142143Marcel Hanoun Artisan d’OVNI(objets visuels non-identifiés...)Invisible enfermementLe crime de tout créateur, celui de chaque cinéaste est-il seulement de« vouloir exercer librement son activité » ? Il est peu de cinéastes, mêmes’ils sont mis en prison de pierres et de béton, qui ne fussent prisonniers,empêchés d’œuvrer, d’exercer librement leur création.Il n’est guère, ou peu de films, invisibles, cachés (tout au plus masqués,travestis d’émotion de bons sentiments et de compassion).Il n’est que cinéma discontinu, sans fin ni commencement, il amorce etprolonge virtuellement le réel.Tout cinéma est a priori visible, même fragmentaire. L’invisibilité n’estqu’une part maudite de l’insoutenable réel.Seul circule librement un cinéma dicté, de récitation, non l’énoncé de sesréelles structures, le hors-champ in<strong>du</strong>striel, économique, de la pro<strong>du</strong>ctionà la diffusion, en passant par la propagande.Plus que des copies de films qui dorment dans leur boîte attendant d’êtreréveillés (au Bois-dormant d’Arcy, par exemple), il est un infracinéma,par essence imaginaire (qui ne se fera, ne se montrera que rarement,exceptionnellement), dont le sens se love dans les chicanes de l’invisible,dans les arcanes de nos éveils, de nos prises de conscience. Ce cinémaest la révélation d’un détissage secret, comme interdit.Il n’est d’invisible enfermement d’un cinéma que dans l’oubli, l’exil,l’effacement.L’histoire réelle <strong>du</strong> cinéma se constitue hors <strong>du</strong> déroulement de son historicitépurement narrative et visuelle, en un présent figé ou répétitif,factice, univoque.Aucun film n’est visible si ce n’est par son réel, à travers la pensée structuréede son film, <strong>du</strong> cinéaste à l’œuvre, présent/caché, transparent, anonyme,invisible, Auteur non de lui-même, mais d’un objet audio-visuel.Annexe : j’aimerais revoir un film autrichien des années 70 (j’en ai oubliéle titre), de Titus Leber, sur Schubert représenté par un petit garçon.J’aimerais montrer mon film Jeanne, aujourd’hui (65’, <strong>2011</strong>) pour pouvoirconfronter l’avis d’un Critique à l’opinion des autres. Il ne sut pas rediretout bas, rumeur, (comme il pensa tout haut après une projection intimeà Chaillot : « Je retrouve toute l’émotion que j’ai eue ici même, lorsque jevis pour la 1 re fois la Jeanne de Dreyer. » Je le crois jusqu’ici…Ndr : Schubert (titre original : Fremd bin ich eingezogen)est un film de Titus Leber (1978, Autriche, 75 min.)Tom Hurwitz Directeur de la photographieThe Young FighterSi je devais choisir l’un des films de mon père comme “film invisible”, jechoisirais The Young Fighter (1953). Bien qu’il ait été diffusé à la télévisionaux Etats-Unis en 1953 dans le cadre de l’émission Omnibus, on nesait pratiquement pas à quel point ce film a fait école. Il fut le premier àutiliser un équipement portatif de son synchrone afin de filmer la vraievie, la parole documentaire. À ce titre, ce fut le premier film de « cinémavérité », et de surcroît un très bon court-métrage dans son genre. Plusieursannées plus tard, il a contribué à persuader l’équipe de RobertDrew chez Time-Life Films que des films d’une puissance unique pouvaientêtre pro<strong>du</strong>its grâce à cette technique ; il a également influencé letravail d’ingéniérie de Leacock et Pennebaker dans leur élaboration despremières caméras légères, silencieuses et capables d’enregistrer le sonsynchrone. Il a fallu des années pour que les réalisateurs et les monteursapprennent à monter des rushes de « cinéma direct » avec le talent et lafluidité que Leo avait atteintes dans The Young Fighter.Tra<strong>du</strong>it de l’anglais par Olivia Cooper Hadjian et Aurélia GeorgesThe Young Fighter est projeté le samedi 26 mars à 21h en Cinéma 2. cf. p. 78Martin KoerberConservateur, Cinémathèque de BerlinDialogue with a Woman DepartedMon « film invisible » est Dialogue with a Woman Departed (1980) deLeo Hurwitz. Quand ce film a été projeté en Allemagne en 1980, il m’aprofondément ému et j’ai eu la chance de pouvoir en parler avec LeoHurwitz, venu en personne le présenter. Je ne partageais pas nécessairementtout ce qui était dit dans le film et pensais que certaines opinionspolitiques de son auteur étaient discutables, ou plutôt qu’il menaitdes « batailles d’un autre temps », mais ce film m’a aussi enthousiasmépour plusieurs raisons. C’était un message de « l’autre Amérique », celleque nous aimions depuis toujours mais qui pouvait si rarement faireentendre sa voix. Un tour de force esthétique qui conjuguait des imagesdocumentaires et des sons de plusieurs époques et d’une multitudede sources. Fait d’images poétiques empruntées à la nature comme
¹au paysage urbain de New York, le film racontait la vie de son auteuret l’histoire de son œuvre, tout en évoquant quelqu’un d’autre, PeggyLawson, la femme de Leo (sa collaboratrice sur de nombreux films),avec ses mots à elle – et peut-être même sa propre voix. Le film est à lafois une histoire <strong>du</strong> XX e siècle et de ses combats politiques et le tendresouvenir d’une relation qui englobait tout : le Travail, la Vie et l’Amour,vécus, ressentis et remémorés, pas forcément toujours dans cet ordre.Ce film a disparu des circuits de distribution et je n’ai pas connaissancede son éventuelle conservation dans des archives, ni de l’endroit où peutse trouver le négatif etc. Toutes les copies disponibles lors de la sortie ontsans doute disparu après avoir servi pendant de longues années — ousi elles existent encore physiquement, elles traînent probablement aufond d’un placard et ont viré au rose. Tourné en 16mm, ce film est particulièrementvulnérable puisque c’est désormais un « format obsolète »dans la plupart des lieux qui projettent encore de la pellicule. J’adoreraisle revoir, et j’adorerais qu’on me dise que le film est hors de danger, lenégatif original et le son conservés dans de bonnes conditions, que descopies en bon état peuvent être louées, ou même qu’il en existe unebonne version HD numérisée… qui sait ?Tom Hurwitz, le fils de Leo, qui est lui-même réalisateur et vit probablementà New York en sait sans doute plus. On peut peut-être retrouversa trace.Si possible, ne nous contentons pas d’un chapitre <strong>du</strong> catalogue, mais,S’IL VOUS PLAIT, programmez autant de ces films invisibles que fairese peut — sinon ils resteront invisibles, peut-être pour toujours !Tra<strong>du</strong>it de l’anglais par Muriel CarpentierDialogue with a Woman Departedest projeté le jeudi 31 mars à 19h en Cinéma 2,en présence de Tom Hurwitz. cf. p. 79Birgit Kohler Co-directrice de l’Arsenal - Institut fürFilm und Videokunst, BerlinNausicaaNausicaa, Agnès Varda, France, 1970, 90 min, couleurSynopsis : une histoire d’amour entre une étudiante française et un intellectuelgrec. Rencontre, conversation, première nuit d’amour pour elle,nuit unique pour les deux. Tout au long <strong>du</strong> récit, des parenthèses sousforme de témoignages, d’interviews, de confidences d’intellectuels etd’artistes résidant à Paris ou de réfugiés politiques récents authentifientla fiction et lui fournissent son contexte historique (in Varda par Agnès).Dans la filmographie d’Agnès Varda, Nausicaa se positionne entre LionsLove (1969) et Daguerréotypes (1974/75), mais le film, jamais projeté,est invisible depuis 40 ans. Seul un court extrait en a été récemmentinséré par Varda dans Les Plages d’Agnès (2008), redonnant ainsi à cefilm une existence officielle dans son œuvre : on y voit Gérard Depardieutout jeune, en hippie barbu avec un chapeau, se disputant avecune étudiante à qui il a piqué un volume d’art. Un extrait qui ne révèlerien de la controverse politique autour <strong>du</strong> film et suscite l’envie d’envoir davantage.Nausicaa est une commande de l’ORTF de 1970. Le scénario de cette« fiction documentaire » est basé sur des conversations avec des exilésgrecs vivant en France. Le film doit sa musique à Mikis Theodorakis.Les ministères français des Affaires étrangères et de l’Economie ontinterdit la diffusion <strong>du</strong> film, à cause de la critique faite à la dictaturedes colonels en Grèce (notamment les témoignages des victimes detorture), afin de préserver les relations commerciales. Depuis, Nausicaaest comme un vide qu’on essaie de combler provisoirement parla connaissance de l’œuvre de Varda et quelques informations éparses.Le titre fait référence à la mythologie grecque, et pourtant le rapportentre Nausicaa, la jeune fille qui trouve le naufragé Ulysse nu surune plage, et le film de Varda Ulysse (1982) est plutôt improbable. Enrevanche, les éléments autobiographiques sont évidents : le personnageprincipal s’appelle Agnès, étudie à l’Ecole <strong>du</strong> Louvre et a un père grec.Probablement Varda entretient-elle dans Nausicaa un rapport à sesorigines plein d’autodérision et anti-nostalgique comme dans OncleYanco (1967) et Les Plages d’Agnès (2008) ?En considérant le positionnement politique de Varda dans Salut lesCubains (1963), Black Panthers (1968) et ses films féministes commeL’une chante, l’autre pas (1976), on peut imaginer son approche critiquede la dictature militaire en Grèce dans Nausicaa. Pour autant cela nefait certainement pas de Nausicaa un pamphlet politique mais, commedans tous ses films, une liaison créative entre éléments documentaireset fictifs – à la Varda : subjective, pleine d’humour et intrépide.En effet, la subversion de la polarité entre mise en scène et réalité estun principe fondamental de son œuvre. Grâce à son obstination artistique,il ne serait pas étonnant que Nausicaa renferme des surprisesinsoupçonnées. Si seulement on pouvait s’en assurer !Tra<strong>du</strong>it de l’allemand par Bianca MittereggerLes Invisibles
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