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Cinéma du réel 2011

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Adriano Aprà Historien <strong>du</strong> cinéma, critiqueInvisiblesJ’aimerais, comme films invisibles, parler de films que j’ai vus. C’est unparadoxe qui révèle, outre mon âge, la fragilité de notre art.En 1956 ou 1957 – j’avais 16 ans, j’ai rencontré chez Cesare Zavattini àqui je venais demander conseil sur mon futur de jeune cinéphile, unjeune homme de mon âge : Bernardo Bertolucci. Il était là pour montrerà Zavattini deux courts-métrages qu’il avait réalisés, en 16mm noir etblanc : La Teleferica (Le Téléphérique) et La Morte del maiale (La Mort<strong>du</strong> cochon). Le premier était une petite histoire d’amour entre adolescents,filmée dans les collines autour de Parme, la ville natale de Bernardo. Jel’avais trouvé un peu « esthétisant », faisant un usage excessif de plongéeset contre-plongées, dans le but de démontrer son habileté de jeune metteuren scène. Dans certains entretiens, Bernardo a parfois mentionnéma réaction comme quelque chose d’assez désagréable pour lui. Mais ila oublié qu’en revanche, j’avais beaucoup apprécié le caractère factuel <strong>du</strong>second court, un documentaire – qui pourrait faire penser au Cochon deJean Eustache – tourné lui aussi dans la campagne parmesane. Ces deuxcourts-métrages qui marquent les débuts de BB, ont vraisemblablementdisparu.En 1958, pendant la Mostra de Venise – mon tout premier festival –, j’ai vuau cours de la rétrospective Stroheim la deuxième partie de The WeddingMarch : Honeymoon. La copie avait été retrouvée tout récemment en AmériqueLatine avec, si mes souvenirs sont bons, sa série de disques vinyle78 tours pour la sonorisation (système Vitaphone de toute évidence). Ilsavaient été cassés accidentellement – quelqu’un s’était assis sur la pile desdisques ! – et on entendait en effet sur la bande son un « toc » récurrent.Je garde un souvenir très vague de cette projection. Je savais que le filmavait été remanié par la pro<strong>du</strong>ction (avec l’aide de Sternberg !) contre lavolonté de Stroheim et que sa qualité était très inférieure à The WeddingMarch, bien qu’il mette en scène les mêmes obsessions sadiques.Cette copie unique a brûlé peu de temps après à la CinémathèqueFrançaise.Ce qui reste obscur, c’est que pour réaliser la sonorisation <strong>du</strong> film à partird’une copie muette avec disques séparés, la Cinémathèque a bien étéobligée de faire un contretype négatif <strong>du</strong>quel elle a ensuite tiré une copiepositive sonore (avec une partie de l’image coupée pour laisser la place àla bande son) : la copie projetée à Venise. Ce qui a disparu dans l’incendieest donc soit l’original nitrate, soit le contretype, soit la nouvelle copiesonorisée safety – mais pas les trois. Ceci paraît très étrange, et me pousseà croire que peut-être…Jacques Aumont Chercheur, critique de cinémaIl Barocco lecceseDans l’infinie diversité des films maudits, disparus ou per<strong>du</strong>s, en voiciun dont je suis particulièrement curieux : le film de Carmelo Bene surle baroque à Lecce, Barocco leccese, court métrage d’une dizaine deminutes (?) réalisé en 1967.C’est sans doute à partir des quelques bobines effectivement tournéesdans des églises baroques de Lecce, que Bene put commencer ce quiallait devenir son premier long-métrage et son chef-d’œuvre, Notre-Dame des Turcs. De fait, dans ce film, se trouvent de nombreux planstournés dans la cathédrale d’Otrante, notamment dans son ossuaire.Cependant, selon divers témoignages sur cette période, il semble bienque le court-métrage qu’il s’était engagé à réaliser l’ait effectivementété : il y aurait eu, non seulement des rushes, non seulement ces tracespatentes dans le film de fiction, mais un documentaire en bonne et<strong>du</strong>e forme.On peine à imaginer d’ailleurs quelle forme a pu prendre un tel film.Il est hors de question qu’il ait été un simple bout à bout de photographiesplus ou moins artistiques. La question <strong>du</strong> baroque, pour Bene,n’était pas simplement un thème de l’histoire de l’art, mais une questionactuelle, centrale à sa définition de la vie. Quant au Sud italien, d’où ilétait originaire, il le voyait comme le lieu de culture par excellence dela péninsule. Comment filmer l’architecture et la sculpture ? commentles filmer de manière à dire qu’elles incarnent des valeurs artistiquesessentielles ? comment filmer le sud <strong>du</strong> sud ? et surtout, commentrendre tout cela poétique, par soi-même ?Il se peut que ce film n’ait, en vérité, jamais existé : il n’aurait été que leprétexte pour commencer, en catimini, la réalisation d’un projet ambitieuxde premier film, pour lequel peut-être un pro<strong>du</strong>cteur n’auraitpas aimé se risquer. Il se peut que ce ne soit que l’un des petits ougrands mensonges de la biographie de Carmelo Bene. Ma curiositéreste infinie.Les Invisibles

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