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Cinéma du réel 2011

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¹Vincent Dieutre CinéasteLe film manquantUn film (me) manque et tout le cinéma est dépeuplé. Un film qu’onm’a décrit comme important, crucial, bien avant que je ne fasse, moi,des films. Puis ce même film qu’on m’a dit proche des miens dès lorsque je me suis mis à en faire. Et ce même film encore qui s’est avéréintrouvable alors qu’on m’offrait une carte blanche dans un festival àl’occasion d’une rétrospective. Un film manque, que je suis contraint àrêver. Il doit être très beau puisque vous avez pu l’inventer, comme disentles personnages de Demy.1990 : Je sors de désintoxication. Je suis aux côtés de Georg. Je l’ai suivià Berlin. Nous marchons, nous parlons, je lui dis que je veux finir lefilm commencé à Rome. Il dit que je dois d’abord prendre mon temps,retrouver le goût de vivre, d’aimer. Mais la porte est là, devant nous etpour la première fois de sa vie, de la mienne aussi, nous allons traverser,tout simplement, à pied. Ça y est, passée la Porte de Brandebourg, noussommes à l’Est et nous voilà tous deux pleurant comme des madeleinessous les yeux des touristes qui grappillent encore des bouts <strong>du</strong> Mur.Nous rions aussi, car nous sommes ridicules. Georg me dit que c’estça le film que je devrais faire, un film tout simple un peu comme celuide Ronny von Prosa, ce film qui l’avait bouleversé dans les années 70.J’essaie de noter, de ne pas oublier, mais je sais aussi que Georg, terriblementdyslexique depuis l’enfance et les bombardements de Berlin, aurarétabli son orthographe si personnelle. Mais Georg a l’œil de l’art et cefilm doit être bien important pour que là, maintenant, au cœur encoresanglant de l’Allemagne année 9/0, il lui revienne en mémoire. Le titrereste improbable, mon Georg tente de le reformuler en français, touten reniflant, encore tout baigné de sanglots réunifiés : C’est pas l’homoqu’est sale, c’est le monde autour lui. De Ronheim von Prausi1998 : Georg a gagné le Sud loin de moi, je fais des films. J’ai pu aussi,lors de ma première Berlinale, voir des films de Rosa von Pronheim ;pas de chance ! Du fait de l’emploi <strong>du</strong> temps serré, je n’ai pu voir celuiqui m’importait au-dessus de tout, et qui était pourtant annoncé sousle titre Nicht der Homosexuelle (mais on avance, on avance !).Donc, je suis au Fresnoy qui vient d’ouvrir ses portes, pour donner unemasterclass et montrer Leçons de Ténèbres. Straub est là. Il m’a déjà ditcombien Rome désolée lui avait plu et je sais que les Leçons vont unpeu le brusquer, plus lyriques, moins minimales. Mais il ne semblepas si déçu et, toujours bougon, me dit que je devrais voir un filmallemand, un très beau film de Rosa von Pronheim, un film de 1970,<strong>du</strong> temps où Pronheim était encore un radical surdoué de la galaxieFassbinder. Dans son allemand rauque et parigot, Jean-Marie m’énoncele titre entier : Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation,in der er lebt. En gros : « ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers, maisla situation dans laquelle il vit ». Indispensable Jean-Marie ! Me resteà guetter les programmes des cinémathèques et des salles spécialisées.2003 : La cinémathèque de Lausanne m’offre une carte blanche. Je peuxchoisir tout ce qu’il me plaira de projeter au public, tout ce que j’aitoujours rêvé de voir. Et bien sûr, je vois là l’occasion d’en finir et desavoir enfin ce qui me lie à ce film incertain, fugitif, Nicht der Homosexuelle…de Rosa von Pronheim. Oui mais… Non : on est terriblementdésolé, n’existent qu’une copie 16mm et une VHS <strong>du</strong> film, quelque parten Allemagne. Elles restent indétectables pour l’instant. Le film existe,certes, mais il est « rare ».Voilà, l’être aimé, le cinéaste admiré, d’autres encore, m’auront donnéle goût d’un film que je ne saurais voir. Un film qui me concerneraitau premier chef. Peut-être qu’il n’existe pas et que c’est tant mieux, qu’ilm’incombe de le re-faire ? Wikipédia mon amour, dis-moi ta véritéfroide.« Ce n’est pas l’homosexuel qui est pervers, mais la situation dans laquelleil vit (Nicht der Homosexuelle ist pervers, sondern die Situation, in derer lebt) est un film <strong>du</strong> réalisateur Rosa von Praunheim. Il parle de lasous-culture et de la vie de nombre d’homosexuels au début des années70. Le film ne s’adresse pas à la société, mais aux homosexuels eux-Les Invisibles

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