11.07.2015 Views

Cinéma du réel 2011

Cinéma du réel 2011

Cinéma du réel 2011

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Andrei Ujică,La révolution, live1 « La vie a besoin desservices de l’histoire,il est aussi nécessaire des’en convaincre que de cetteautre proposition qu’ilfaudra démontrer plus tard,à savoir que l’excès d’étudeshistoriques est nuisible auxvivants. L’ histoire appartientau vivant sous troisrapports : elle lui appartientparce qu’il est actif et qu’ilaspire ; parce qu’il conserveet qu’il vénère ; parce qu’ilsouffre et qu’il a besoin dedélivrance. À cette trinitéde rapports correspondenttrois espèces d’histoire, s’ilest permis de distinguer,dans l’étude de l’histoire,un point de vue monumental,un point de vueantiquaire et un point devue critique. » FriedrichNietzsche, ConsidérationsIntempestives, 1873-1876.2 “Images activistes”,Cahiers <strong>du</strong> Cinéma n°647,juillet-août 2009, p. 62.À mesure que s’accumulent les images et que s’en démultiplient les pratiques,les supports et les modes de circulation, se développent aussiles initiatives analytiques. Donnant suite aux propositions pionnièresd’Alberto Cavalcanti, l’histoire de l’essai critique sur les images ne cessede s’enrichir : Isidore Isou, Guy Debord, Jean-Luc Godard, HarunFarocki, Yervant Gianikian et Angela Ricci Lucchi, Hartmut Bitomsky,Michael Klier, Jayce Salloum… Une grande part de l’énergie collectivese consacre à analyser les images qui instrumentent le contrôle social,par vocation ou par asservissement subreptice et, plus rarement, àobserver celles qui ont participé d’une revendication émancipatrice(Johan Grimonprez, Jean-Gabriel Périot, Pierre Léon, Philippe Grandrieux…).Au sein de ce mouvement en croissance exponentielle, letravail d’Andrei Ujică se caractérise par trois traits.Tout d’abord, affirmation philosophique, le fait de maintenir croyanceen une vérité historique, que la critique des images permettra non pasde traiter a posteriori au titre d’une reconstitution ou d’une vérification,mais à l’inverse de mettre en chantier au titre d’une interrogation etd’une construction spéculative. Kamera und Wirklichkeit (“Caméra etvérité”) annonce le titre d’un essai de 1992 consacré aux Ceausescu,deuxième panneau central <strong>du</strong> triptyque roumain dont Vidéogrammesd’une Révolution (1992) constitue le premier et L’ Autobiographie deNicolae Ceausescu (2010) le troisième.Ensuite, affirmation stylistique, le fait d’assembler le plus possible dedocuments visuels et d’y intervenir, en apparence, de moins en moins.Dans la lignée dramaturgique de Bückner et de Weiss, dans la lignéecinématographique de L’ Heure des Brasiers de Fernando Solanas etOctavio Getino (1968), Mexique, la révolution congelée de RaymundoGleyzer (1970) ou La Spirale d’Armand Mattelart, Jacqueline Meppiel etValérie Mayoux (1975), les essais d’Andrei Ujică constituent des dossiersvisuels à vocation protestataire et prospective, où la collecte et l’ajointementdes séquences et la structure d’ensemble assurent l’essentiel dela puissance critique – au point de pouvoir se dispenser de tout commentairedans L’ Autobiographie de Nicolae Ceausescu.Enfin, affirmation politique, le fait que “l’histoire appartient au vivant”(Nietzsche 1 ), autrement dit, selon les mots de Goethe cité par les Considérationsintempestives : « Je déteste tout ce qui ne fait que m’instruire,sans augmenter mon activité ou l’animer directement ». De quoi lesimages sont-elles contemporaines et en quoi sont-elles actuelles ? Out ofthe Present (1995) construisait l’espace – cosmique – nécessaire pour différencierces deux questions. De ce point de vue, il est impossible de nepas constater les résonances telluriques, hors de tout modèle mécaniste,qui vibrent entre la fresque de longue haleine consacrée par Ujică aucouple des dictateurs roumains, donc à la chute de l’empire soviétique,et le renversement en chaîne des dictateurs arabes qui s’opère sous nosyeux. « On n’a tiré sur personne Place <strong>du</strong> Peuple », assène Ceausescu àla fin de “son” autobiographie filmique. « Mon peuple m’adore », déclareKhadafi en plein massacre. Entre ces deux dénis, entre les révolutionsdes années 1990 et celles de <strong>2011</strong>, nulle proximité intellectuelle : maisla même appartenance à la fin de deux cycles politiques qui voient lespeuples triompher de l’oppression, et entre lesquels de facto, par sonexistence même, le travail critique d’Ujică jette un pont de réflexions.Par son ancrage et son contenu, cette œuvre appartient au cycle dela chute des dictatures communistes ; par sa contemporanéité et sonexigence, à celui de la chute des dictatures arabes. Voici qui sans doutenous met face à Das Ultimatum des Bildes, « l’ultimatum de l’image »,selon le sous-titre d’un ouvrage publié par Andrei Ujică et Hubertusvon Amelunxen en 1990, et qu’un autre cinéaste essayiste avait visionnairementpointé. Quel serait le film le plus actif, le plus subversif del’histoire <strong>du</strong> cinéma ? À cette question posée en 2009, le jeune vidéasteargentin Mauro Andrizzi, réalisateur de Iraqi Short Films (2008), avaiten effet répon<strong>du</strong> : « Videograms of a Revolution de Harun Farocki etAndrei Ujică. Comment faire une révolution avec la télévision. Bonexemple des usages possibles <strong>du</strong> web. Meilleur moment <strong>du</strong> film : levisage de Ceausescu capturé par la chaîne de TV officielle, quand lepeuple envahit le Comité Central de Bucarest. Pas de contrechamp surla foule, juste son visage figé, regardant dans le vide. Puis, la camérase dirige vers le ciel, et il n’y a plus que le ciel et des cris. Pur Cinéma.La révolution, live. » 2Nicole Brenez69Dédicaces& Ateliers

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!