130131Simon Backès CinéasteProjection privéeCe n’est pas la première fois que je viens ici.J’ai déjà été invité dans ce grand espace Art Déco, aux murs clairs, auxlignes épurées.Comme toujours, tout le monde ici est très élégant. On parle plusieurslangues, sans élever trop la voix.Je ne connais personne, je crois, mais je me sens très à l’aise.Et puis aujourd’hui, c’est particulier : nos hôtes, dont j’ignore l’identité,ont organisé une projection, et franchement, je pourrais être tenté decroire que c’est pour mon seul plaisir, tant ce qu’on annonce est excitant.Nous allons voir deux bobines, miraculeusement préservées, une vingtainede minutes en tout, d’un film inachevé de Josef von Sternberg.Ce n’est pas le mythique I, Claudius avec Charles Laughton, c’estpresque mieux encore.C’est un film sur la vie de Napoléon – lointaine idole de ma petiteenfance.Et quoique je n’en aie jamais enten<strong>du</strong> parler avant ce soir, c’est in<strong>du</strong>bitablementun Sternberg.Il n’y a pas vraiment d’action, plutôt une succession de tableaux demaître, des représentations de bals un rien funèbres, où des spectresen uniformes et crinolines évoluent avec grâce parmi les ors sombresde l’Empire. Les hommes ont l’air de soldats de plomb géants, maispeints avec une extrême attention aux détails, et semblent tous commemanipulés, magnétisés, par les regards que leur concèdent brièvementdes femmes splendides aux manières glacées de courtisanes.Il y a <strong>du</strong> désir qui circule, et <strong>du</strong> pouvoir – c’est sans doute la mêmechose, c’est ce que la caméra traque, avec une impitoyable précision.Et puis, plaisir suprême, l’empereur est incarné par Bela Lugosi.Le film semble dater <strong>du</strong> début des années 30 (je me promets de fairedes recherches), mais Bela a l’air plus jeune, il ressemble à ses photosde jeune premier dans les programmes de théâtre hongrois de la findes années 10.Ce n’est pas un casting si improbable en fait, il a la prestance et la fièvreadéquates – et le résultat n’était pas forcément plus convaincant quand,plus tard, Brando ou Dennis Hopper s’y sont essayés.Je me laisse baigner par les images, d’autant plus belles à mes yeux queje suis conscient de profiter là d’une occasion unique, en privilégiéabsolu.Si on admet la thèse des théoriciens selon laquelle tous les personnagesde nos rêves ne sont que des projections de nous-mêmes, alors oui, jesuis bel et bien le seul à avoir vu ce film, je ne fais littéralement qu’unavec le public qui m’entoure, je suis, j’ai été tous ces hommes en smokinget toutes ces femmes en robe de soirée, frissonnant discrètement <strong>du</strong>plaisir de la découverte.Une prochaine fois, j’essaierai de rêver à une vie de Nestor Makhno, lecosaque de l’Anarchie, filmée par Sam Peckinpah. J’aimerais bien qu’ily ait Jack Palance.J’attends.Si vous avez la chance de le voir avant moi, merci d’écrire au journal,qui transmettra.Yto Barrada Artiste, directrice de la Cinémathèquede TangerLa MigrationPour le cinquantième anniversaire de ma mère, je voulais retrouver cefilm dans lequel elle avait joué, et qu’elle n’avait jamais vu en projection.Elle se souvenait d’un détail : elle portait ses propres vêtements, unelongue jupe à fleurs.Nous avions toujours conservé des photos en noir et blanc <strong>du</strong> tournagesur lesquelles était inscrit, en lettres capitales blanches, LA MIGRA-TION, un film de Ahmed Rachedi. Elle disait qu’elle y tenait la têted’affiche.Pas d’autres traces, mais quelques indices précis :Son cachet lui avait permis de payer un voyage à Lisbonne pour assisterà la Révolution des Œillets. Le tournage date donc de 1974.Les deux scènes dans lesquelles elle jouait avaient eu lieu à Paris, l’unesous un métro aérien, et l’autre dans un commissariat.Le film avait été terminé puisque Scherazade, la sœur de sa belle-sœur,l’avait reconnue un soir à la télévision algérienne.1994. Les 50 ans approchent. Je retrouve le réalisateur dans l’annuaireet je me rends à son bureau sur les Champs-Élysées. Pas très expansif,il me dit qu’il n’existe pas de copie, et qu’il ne possède pas non plus deVHS ; pour le voir, il faudrait faire un nouveau tirage. Il me tend sacarte de visite avec le nom <strong>du</strong> laboratoire et m’assure que celle-ci suffiracomme autorisation.Une fois sur place, le prix exorbitant <strong>du</strong> tirage (3 000 francs de l’époqueil me semble) me contraint à abandonner le projet, et la surprise.<strong>2011</strong>. Je cherche sur imdb et ce film ne figure pas dans sa filmographie.
Était-ce un téléfilm ? Un oubli ? Le titre avait-il été modifié ? En 1974,rien ; en 1973, Le Doigt dans l’engrenage, témoignage sur les travailleursémigrés ; en 1978, Ali au pays des Merveilles.Je dirige une cinémathèque à Tanger et j’organiserai sans doute un jourune rétrospective des films de Rachedi que je calerai sur l’anniversairede ma mère.Raphaël Bassan Critique de cinémaEisenstein’s Mexican Film : Episodes for StudySerguei Eisenstein entreprend, en 1930, un film syncrétique sur savision <strong>du</strong> Mexique — Que viva Mexico ! — qui se veut une ode aupeuple mexicain (et à la tragédie des Indiens décimés et acculturés parles conquérants espagnols), mais aussi une nouvelle manière d’envisagerle cinéma, hors d’URSS, en étroite collaboration avec les plasticiensDiego Rivera, David Alfaro Siqueiros et José Clemente Orozco. Il estaccompagné de son assistant Grigori Aleksandrov et de son chef opérateurEdouard Tissé.Le scénario original, conçu en collaboration avec Aleksandrov, compren<strong>du</strong>n prologue et quatre « épisodes » : Fiesta, San<strong>du</strong>nga, Maguey,Soldadera suivis d’un épilogue. Upton Sinclair, riche intellectuel socialiste,en devient le pro<strong>du</strong>cteur.Le tournage s’avère long et, en 1932, Sinclair, qui juge les dépassementsbudgétaires démesurés, se retire. Eisenstein est rappelé par les autoritésde son pays ; il ne reverra jamais les négatifs qu’il a filmés.Sinclair vend des pans <strong>du</strong> matériel tourné. Une dizaine d’œuvres, pointanttel ou tel aspect <strong>du</strong> projet initial, en dérivent. Sol Lesser en tireThunder over Mexico (1933), long métrage qui développe essentiellementl’épisode Maguey : la révolte, réprimée dans le sang, de quelquespéons contre les propriétaires locaux (avec les fameux plans des troispaysans enterrés jusqu’au cou, et piétinés par les cavaliers). En 1939,Marie Seton monte une version plus conforme aux souhaits polysémiques<strong>du</strong> maître, Time in the Sun : un commentaire trop rigide endétériore la puissance poétique.Ce n’est qu’en 1954, après la mort <strong>du</strong> cinéaste, qu’Upton Sinclair déposeles négatifs en sa possession, au Musée d’Art moderne de New York(MoMA). En 1955, Jay Leyda, cinéaste, critique, historien <strong>du</strong> cinéma,en monte, sous le titre Eisenstein’s Mexican Film : Episodes for Study,une suite apparemment chronologique, d’une <strong>du</strong>rée de près de quatreheures. Le résultat est présenté, à Berlin, en 1958, lors d’une conférencesur Eisenstein, et éveille l’intérêt des autorités soviétiques, qui ne récupérerontces négatifs que vingt ans plus tard. De ce matériau, mais aussid’autres sources (la partie Maguey est très ré<strong>du</strong>ite dans le montage deLeyda), Grigori Alexandrov tire le film Que viva Mexico ! (1979) quise rapproche le plus de ce qu’avait prévu Eisenstein.On ne verra jamais le film tel qu’il a été imaginé et écrit par l’auteurd’Octobre. Eisenstein’s Mexican Film : Episodes for Study — œuvre ellemêmerarement projetée, qui l’a été, en décembre 2010, à la Cinémathèquefrançaise, lors d’une intégrale consacrée à Eisenstein —, est bienLes Invisibles
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