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Cinéma du réel 2011

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7677niste aux lois de Nuremberg. L’ énorme quantité d’images d’archives estlittéralement striée par des séquences mises en scènes d’une incroyableexpressivité ; le montage emmené par une voix off au ton prophétiquesoude entre eux fiction et documentaire avec une intelligence et unelucidité extrêmes. En dépit des persécutions maccarthystes dont il faitl’objet, Hurwitz résiste et décrit un pays en train de perdre l'espoir d’unrenouvellement véritable des rapports économiques et sociaux, un payssi fier de ses indivi<strong>du</strong>alismes égoïstes qu’il risque d’en perdre la libertéde la communauté toute entière. Le ton allégorique de Strange Victoryse transforme en un implacable Memento mori dans le film suivant, TheMuseum and the Fury (1956). À partir de la commande d’un film surles œuvres d’art réalisées dans les camps de concentration et conservéesau musée d’Auschwitz-Birkenau, Hurwitz donne vie à un montagepolyphonique poignant où, comme l’a écrit Peter von Bagh, « se mêlentart et histoire, documentaire et fiction, texte, musique, mémoire, faisantde ce film l’une des œuvres les plus élevées <strong>du</strong> documentaire ».Ne trouvant ni l’espace ni les moyens nécessaires dans le milieu cinématographiquede son époque, Hurwitz poursuit son travail à la télévisionpublique, terrain fertile pour ses expériences les plus diverses. En 1953,il fait partie des premiers à utiliser le son synchrone et un équipementléger dans le précurseur The Young Fighter, futur modèle <strong>du</strong> cinémadirect des Leacock, Pennebaker et Drew qui ne verra le jour que beaucoupplus tard. Pendant les années 60, avec sa seconde femme, PeggyLawson, il réalise une série de téléfilms extraordinaires, dans lesquelstout le travail sur le montage élaboré au cours des années 40 s’adoucitet trouve une mesure lyrique absolue dans un dialogue poétique avecdes images très pures. La nature, les saisons, le paysage et la ville sontles thèmes porteurs <strong>du</strong> poème visuel Here at the Water’s Edge (1961),<strong>du</strong> polyptyque The Art of Seeing (1968-1970) et <strong>du</strong> portrait lucrétienThis Island (1970).Entre temps, Hurwitz a filmé en Israël le procès Eichmann, dansl’intense Verdict for Tomorrow (1961), dont les rushes seront utilisésquarante ans plus tard par Eyal Sivan et Rony Brauman dans leur filmUn spécialiste, portrait d’un criminel moderne. Le thème de la mort etde sa présence dans notre vie de tous les jours parcourt le magistralAn Essay on Death (1964), à la mémoire de J. F. Kennedy, sous la formed’un essai qui entrelace le récit de la randonnée champêtre d’un pèreet son fils, de merveilleuses images de la nature, des œuvres d’art detoutes les époques et une triple voix off aux intonations shakespeariennes.La liberté expressive à laquelle est parvenu Hurwitz est désormaistotale : le montage de The Sun and Richard Lippold (1966), essaisur la matérialité de l’art abstrait et sur la lumière <strong>du</strong> monde, toucheà une composition organique lyrique qui rappelle à la perfection lesformes de la nature, apparentant le cinéma d’Hurwitz à l’architecturede Frank Lloyd Wright.Après la disparition de Peggy en 1971, pour commémorer la compagned’une vie de lutte, de travail et d’amour, Hurwitz se plonge dans unfilm qui est à la fois une révision radicale de son œuvre, un examenprofond de sa propre existence et une réflexion historico-politique surles racines de l’Amérique. C’ est Dialogue with a Woman Departed, quilui coûte huit années de travail (1972-1980) : le chef d’œuvre d’une vie etla somme d’une œuvre, un film dans lequel l’expérimentation formelleest toujours une question politique (là où le privé est aussi politique),un film tellement complexe dans sa structure qu’il se débarrasse de ladistinction entre fiction et documentaire comme d’un masque ridiculeet académique qui occulte la réalité des choses. Pour Hurwitz, notreexistence n’a de sens que par rapport à celle d’une communauté, notreamour ne prend vie que dans le partage d’idéaux avec un autre êtrehumain, notre pensée ne naît que dans le dialogue avec notre époque.Voilà pourquoi Leo Hurwitz est un maître : aujourd’hui plus encorequ’hier, ses films-essais sont des formes qui pensent, des poèmes delutte qui nous poussent à agir directement dans l’Histoire, des symphoniespolitiques qui ouvrent nos sens à la beauté <strong>du</strong> monde.Federico RossinTra<strong>du</strong>it de l’italien par Lili HinstinRemerciementsTom Hurwitz, Adriano Aprà, Peter von Bagh, Dario Marchiori,Jérôme Moland, Gianmarco Torri, Nicole Brenez, Jorge Amaro

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