148149Frédéric Maire Directeur de la Cinémathèque suissePortoveroPortovero de Daniel Schmid (2006), Scénario Barry Gifford, avecE<strong>du</strong>ardo Noriega, Stephen Moyer, Marisa Paredes et Catherine WalkerSeptembre 2005. Je viens d’arriver à San Sebastián pour le Festival. Surles marches <strong>du</strong> Grand Hôtel Maria Cristina, je croise le réalisateur suisseDaniel Schmid, en compagnie de son scénariste, le romancier américainBarry Gifford, auteur entre autres de la série de polars et <strong>du</strong> scénario deSailor et Lula.Tout sourire, de son inimitable voix rauque rappelant son premier cancer,il me félicite chaleureusement pour ma nomination à la direction <strong>du</strong>Festival de Locarno et, quand je lui demande ce qu’il fait là, il me racontesa joie : il s’apprête à partir faire des repérages en Galice, <strong>du</strong> côté de Vigo,où il tournera une partie des séquences de son nouveau film qui s’intitulePortovero et raconte le déchirement d’un homme partagé entre deuxfemmes avec lesquelles il entretient une relation passionnelle et tortueuse.Debout sur les marches <strong>du</strong> bel hôtel 1900 de la cité basque, je vis commeun moment de grâce. Daniel Schmid et Barry Gifford décrivent, imaginent,précisent… Puis on se quitte en riant ; et en pensant se revoirbientôt, qui sait, sur la Piazza Grande de Locarno, dont Daniel était unhabitué !Le tournage commence le 5 décembre 2005. Il s’interrompt quelquesjours après. Daniel Schmid est retombé malade. Il s’éteint finalementle 6 août 2006, au début <strong>du</strong> Festival de Locarno. Mon premier Festival.Mais sans lui.Le 7 août, pour lui rendre hommage, nous présentons Il Bacio di Tosca,dont la toute première projection sur la Piazza Grande avait été sabordéeà cause d’un problème de son. Mais de Portovero, rien, pas une image. Jen’ai jamais rien vu. Mais j’en garde juste le souvenir <strong>du</strong> sourire de Daniel.De sa joie – et de son désir toujours renouvelé – de faire <strong>du</strong> cinéma.Il Bacio di Tosca est projeté le dimanche 3 avril à 20h45 au MK2. cf. p. 122.Luc Moullet Loueur d’appartements, cinéasteJ’ai beaucoup aimé Adorable Capucine, premier film de Daniel Daert,que j’ai vu vers 1971, et qui est resté inédit. Le film est fondé sur unexcès de guimauve, de bons sentiments, assez kitsch, de mièvrerie.C’est presque surréaliste. Stupéfiant. Premier degré ou second degré,conscience ou inconscience ? Je ne sais. Daert, qui était sorti trèsmarqué de la Guerre d’Algérie, ne voulait plus faire que des films quiréjouissent les gens. Après cet échec – une Bécassine au lendemainde mai 68, vous vous rendez compte ? – Daert vira sa cuti et passaau porno, pour lequel il était peu doué. Il copro<strong>du</strong>isit le remarquablepremier film de Breillat, Une vraie jeune fille. Capucine fait un peupenser à l’admirable Je vous ai toujours aimé de Borzage.J’aimerais aussi vous parler de Feet of Clay (Le Tourbillon des âmes,DeMille, 1924), per<strong>du</strong> je ne sais pourquoi. Il avait pourtant bien marché: 904.383 £ de recettes pour un coût de 513.636,27 £.Il y en a quelques secondes dans un film sur DeMille, mais c’était surune K7 grande vitesse. Paraît qu’il y aurait une copie aux Antipodes,peut-être figure-t-elle parmi les 100 films récemment retrouvés làbas.Le film se situe entre le stupéfiant Triumph et le chef d’œuvrede Cecil The Golden Bed. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un grandfilm. Le sujet rappelle Sorrows of Satan, que Griffith piqua à DeMille.Le héros, Kerry, est un champion de natation, qui se fait bouffer lajambe par un requin en sauvant la vie de sa femme Amy, belle-sœurde Bertha, épouse d’un grand chirurgien, qui rafistolera la jambe deKerry, condamné à rester un an au repos. Pour faire vivre le couple,à la suite <strong>du</strong> chômage forcé de Kerry, Amy devient modèle. Bertha,amoureuse de Kerry, rôde autour de leur logis. Traquée par son mari,elle se défenestre. Le jeune couple, ré<strong>du</strong>it à la misère et marqué par lescandale de la liaison supposée, se suicide au gaz. Arguant de ce qu’ily a eu quiproquo, le couple, arrivé dans les limbes, obtient un sursispour revenir sur terre (cf. Liliom). Stupéfiant ! Je crois que c’est l’unedes quatre grandes pertes de l’histoire <strong>du</strong> cinéma, avec The Great Lovede Griffith, Le Patriote de Lubitsch et Lena Smith de Sternberg.Carlos Muguiro Programmateur et professeur enEsthétique <strong>du</strong> cinéma à l’Université de NavarreLes arbres de Dovjenko et de Jorge OteizaLe cinéma russe et soviétique recèle un grand continent invisible. Cettegéographie a justifié, chez moi, des dizaines d’incursions dans l’œuvrede Rustam Khamdamov, Victor Sklovski, Vladimir Kobrin, Yuri Shillerou dans les fonds <strong>du</strong> VGIK. Il est vrai que parfois, la question n’est pastant celle de la visibilité sinon la façon mystérieuse avec laquelle ces films
¹surgissent quand on les a cherchés, poursuivis ou invoqués pendant silongtemps. Mitchourine, par exemple, n’est pas à proprement parler unfilm invisible, bien que le Mitchourine que j’ai vu en octobre 1998 fût marquéd’une « visibilité » impossible à réitérer. J’ai vu pour la première foisMitchourine d’Alexandre Dovjenko un après-midi, fin octobre 1998, à LaHavane. Le même jour, la télévision annonçait l’arrivée de l’ouragan Mitchà l’ouest de l’île. En sortant de la projection, le Malecon était coupé à lacirculation par des vagues déferlant d’une mer en furie et le ciel annonçaitune tempête terrible. Le visage le plus sauvage et obscur de la nature,comme il se manifesta cette nuit-là, se heurtait dans mon esprit avec lesimages <strong>du</strong> paysage bucolique des pommiers en fleur que je venais de voirau cinéma, avec l’Hortus Soviéticus de Mitchourine, avec les cartes postalesédéniques de Dovjenko, ou avec la nature rationnelle et obéissantedécrite dans le film. Projeté pendant la tempête Mitch, le Mitchourinede Dovjenko renvoyait d’une manière douloureuse, trop réelle, involontairementprovocante – comme si l’ouragan était la réponse au film – lascission entre culture et nature qui parcourt souvent tout le cinéma russe.Des pommiers de Dovjenko je passe à un autre « arbre » : le cinéma quele sculpteur Jorge Oteiza n’a jamais filmé. Parmi les nombreux manuscritsinédits qui sont conservés dans les archives de l’artiste basque, il y aquelques courtes notes pour un film qu’il ne réalisa jamais (il ne réalisad’ailleurs aucun film) et qui est intitulé Documentaire de l’arbre.Au début des années soixante <strong>du</strong> XXe siècle, le sculpteur imaginaitceci : « La caméra fait un tour autour d’un arbre, puis tête baissée enparcourt le tronc et commence à y grimper. La caméra représente ce quevoit l’homme. Celui-ci se jette sur l’ombre et la prend dans les bras ». Lemouvement décrit dans cette note trouve un certain écho avec quelquesbobines Super 8 filmées par le sculpteur, à mi-chemin entre la pirouetted’amateur et l’expérimentation « à la façon de Val del Omar » (pour citerl’artiste), qui fait ainsi référence à son ami José Val del Omar, le réalisateurde Fuego en Castilla y Aguaespejo granadino. Ces bobines de Super8 étaient conservées dans les archives de la Fondation Oteiza à Alzuza(Navarre). Dans l’immense talent, souvent intuitif, de Jorge Oteiza, nousdécouvrons l’un des grands penseurs hétérodoxes de l’histoire <strong>du</strong> cinémaespagnol. Ses idées sur le vacillement de l’espace, l’expérience extatiquede la contemplation et sur l’« écran-mur » n’ont jamais trouvé leur formeconcrète dans un film. Bien qu’ayant abandonné la sculpture, Oteiza asérieusement envisagé de porter ses idées au cinéma, il ne l’a jamais fait.Mais il semble chaque jour plus évident et nécessaire d’intégrer ce cinéastesans film à l’histoire <strong>du</strong> cinéma espagnol le plus audacieux. Précisémentpour son cinéma invisible.Tra<strong>du</strong>it de l’espagnol par Javier Packer-ComynThomas Ordonneau Pro<strong>du</strong>cteur et distributeurJe pense à Keep it for Yourself de Claire Denis, film de commande réalisépour une marque de voitures japonaises, tourné à New York, dans un noiret blanc de pellicule optique éclairé par Agnès Godard. Vincent Gallosurgit dans l’appartement désert dans lequel s’est réfugiée l’héroïne <strong>du</strong>film. Il est en fuite, c’est un voleur de voitures, et il va l’emmener à l’extérieur,dans la ville, dans le monde, elle qui, étrangère aux lieux et seule,n’osait profiter de sa liberté. Le véhicule objet de la commande fait unetrès courte apparition dans mon souvenir. Le film est nimbé de brouillardégalement. Je me souviens d’un aspect factice, et aussi d’un souffle. Lapro<strong>du</strong>ction exécutive de ce film de 40 minutes avait été faite par unesociété hollandaise dont la faillite a bloqué les droits jusqu’à ce jour.Je pense aussi à La Matiouette d’André Téchiné, d’après le magnifiquetexte de Jacques Nolot, que celui-ci remettra en jeu dans son premierlong métrage, L’Arrière-Pays, mais je ne crois pas qu’il soit si rare queça… En tout cas pas disparu.Je pense à Young Soul Rebel, réalisé par Isaac Julien, vu au cinéma en1990, dont la bande-son m’accompagne encore. Une magnifique bandesoul funk. Un film d’une grande justesse sur une génération anglaiseen prise avec la réalité <strong>du</strong> conservatisme, mais en même temps prêteà éclore. Jamais plus enten<strong>du</strong> parler <strong>du</strong> film jusqu’à ce que, en visitechez un ami pro<strong>du</strong>cteur, je ne découvre des post-it marqués <strong>du</strong> logotitre <strong>du</strong> film. Un reste d’une impression promotionnelle réalisée 20auparavant… Ecrire ce texte me fait me rendre compte qu’Isaac Juliena bien enten<strong>du</strong> continué de travailler, et qu’il a notamment réalisé unfilm sur Frantz Fanon… Il faut que je redécouvre cet auteur !Et il y a bien sûr Lettre à la prison, le film de Marc Scialom, tourné avecses économies il y a 40 ans, puis abandonné, faute de moyens, fautede soutien, faute de tout. L’association qui héberge Shellac à Marseille,Film Flamme, dont fait partie alors la fille de Marc, Chloé Scialom,exhume à l’occasion d’un déménagement les bobines d’un coffre oubliésous un lit, par dépit. Projection, stupéfaction, il y a une œuvre, et quiplus est marquée aujourd’hui par le temps car le positif découvert, seulélément restant <strong>du</strong> film, est un positif de travail qui a servi à monterle film à l’époque. Film flamme saura trouver les moyens financiers ethumains pour restaurer le film à la cinémathèque de Bologne. Nousnous associons à eux pour faire connaître l’existence <strong>du</strong> film en le distribuantdans les salles de cinéma : au beau milieu des autres films de cettesemaine-là, un oublié, endormi, revenu d’une parenthèse de plusieursdécennies nous envoie sa modernité, et une vérité inchangée sur l’exil,le sentiment d’étrangeté.Les Invisibles
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