| <strong>Manuel</strong> européen <strong>sur</strong> <strong>les</strong> données <strong>relatives</strong> à l’égalitéLa discrimination n'est que l'un des processus qui contribuentà la position souvent défavorisée des groupes protégés.À cause de ces divers processus, il est extrêmementdifficile d'établir avec certitude dans quelle me<strong>sur</strong>ela position défavorisée d'un groupe – qui peut être indiquéepar exemple par <strong>les</strong> statistiques de positions – està mettre <strong>sur</strong> le compte de la discrimination. Même si l'onpeut affirmer sans risque que <strong>les</strong> groupes subissant desdiscriminations sont moins aisés qu'ils ne le seraient enl'absence de discriminations, il est très difficile de distinguerl'effet des différents facteurs intervenant dans laconstruction de la situation défavorisée. Certains chercheursutilisent des analyses de régression pour tenterde maîtriser <strong>les</strong> autres variab<strong>les</strong> actives, comme leniveau moyen d'éducation. Ils procèdent de la sorte afind'estimer dans quelle me<strong>sur</strong>e certaines disparités,notamment du niveau de revenu ou d'emploi, résultentde la discrimination ( 45 ). La capacité à effectuer des analysesde régression et autres analyses multivariéesimpose de nouvel<strong>les</strong> exigences <strong>sur</strong> le plan de la collectede données car elle requiert de disposer d’une grandediversité de données (par exemple <strong>sur</strong> la réussite scolaire)par rapport à de multip<strong>les</strong> motifs de discrimination.À l'heure actuelle, de tel<strong>les</strong> données ne sont pas souventdisponib<strong>les</strong>.Quoi qu'il en soit, il est en soi déjà extrêmement important,du point de vue d'autres objectifs politiques, dedéterminer l'existence de différences observab<strong>les</strong> dans<strong>les</strong> statuts socio-économiques des divers groupes,même s’il n’est pas toujours possible d’établir formellementdans quelle me<strong>sur</strong>e <strong>les</strong> disparités résultent de ladiscrimination. L'existence de disparités nous appelle àétudier ce sujet de plus près et nous invite à adopter desme<strong>sur</strong>es d'action positive appropriées. C'est <strong>sur</strong>tout lecas lorsque <strong>les</strong> statistiques révèlent des disparités derésultats dans plusieurs domaines de la vie tels que l'emploi,le logement et la santé. De plus, <strong>les</strong> statistiques desrésultats présentent une importance encore plus directepour <strong>les</strong> pays qui souhaitent mettre l'accent <strong>sur</strong> la réalisationde résultats dans le domaine de l’égalité de traitement.Figure 1. | Le cercle vicieux de la discriminationPRATIQUESORGANISATIONELLESORIENTÉESDISCRIMINATION:– INDIRECTE– DIRECTE– HARCÈLEMENTATTITUDESNÉGATIVES:– INDIFFÉRENCE– STÉRÉOTYPES– PRÉJUGÉSCRAINTES DEDISCRIMINATIONPOUR LES GROUPESPROTÉGÉS– ÉVITEMENTDISTANCESOCIALEDÉSAVANTAGES– SOCIAUX– ÉCONOMIQUES– AUTRES (par ex. stress)( 45 ) Dans l’analyse multivariable, la discrimination est mise en évidence par l'écart inexplicable qui persiste entre deux groupes même lorsque toutes <strong>les</strong> variab<strong>les</strong>auxquel<strong>les</strong> on peut raisonnablement attribuer un rôle de facteur ont été prises en compte et maîtrisées. L'analyse de régression sert en particulier àmodéliser <strong>les</strong> relations entre variab<strong>les</strong> et à déterminer la portée de ces relations. Il faut toutefois souligner que <strong>les</strong> facteurs explicatifs (par exemple <strong>les</strong> disparitésdu niveau d'instruction en tant qu'explication de la réussite <strong>sur</strong> le marché du travail) peuvent eux-mêmes refléter la discrimination. Les analyses multivariéespeuvent donc ne révéler qu'une partie de l'ensemble de la discrimination.22 |
1 | Principes essentiels des données <strong>sur</strong> l’égalité1.3. | Les besoins de donnéesLes statistiques <strong>sur</strong> l'égalité peuvent servir à des usagestrès divers, tous essentiels dans la lutte contre la discrimination.À plusieurs occasions, <strong>les</strong> gouvernements onteux-mêmes reconnu la nécessité de compiler de tel<strong>les</strong>statistiques ( 46 ).Premièrement, ces données sont nécessaires pour ledéveloppement et la mise en œuvre des politiques,cela au niveau tant national qu'européen. La qualité desdécisions ne peut que refléter celle des informations <strong>sur</strong><strong>les</strong>quel<strong>les</strong> el<strong>les</strong> sont fondées: <strong>les</strong> responsab<strong>les</strong> politiquesont besoin du maximum d'informations pour prendre<strong>les</strong> bonnes décisions. Les questions d'égalité sontimportantes pour tous <strong>les</strong> domaines politiques, notammentl'emploi, l'éducation, <strong>les</strong> soins de santé et la fourniturede biens et services. Des données sont indispensab<strong>les</strong>pour identifier et vaincre <strong>les</strong> inégalités dans cesdomaines de la vie. El<strong>les</strong> peuvent aider à déterminer lameilleure marche à suivre, qui peut aller de l'adoption oula modification de lois jusqu'au lancement de campagnesd'information, en passant par des interventions loca<strong>les</strong>visant à faire respecter la loi. Il est difficile de prendre <strong>les</strong>bonnes décisions s'il faut agir à l'aveuglette ou en procédantpar essais et par erreurs. En effectuant <strong>les</strong>bonnes analyses et en prenant <strong>les</strong> bonnes décisionsd’emblée, il s’avère plus facile de garantir <strong>les</strong> droits despersonnes et groupes concernés, outre le fait qu'unetelle démarche présente un meilleur rapport coût/efficacité.Idéalement, dans une société fondée <strong>sur</strong> la connaissance,<strong>les</strong> informations issues des statistiques et autrestypes de recherches alimentent chaque étape du processusde prise de décision (voir figure 2, page 24).Deuxièmement, des données statistiques s'imposentpour pouvoir établir, au niveau judiciaire, l'existence ounon d'une discrimination. Les éléments empiriques peuventêtre déterminants pour prouver une discriminationdirecte ou indirecte. Les plaignants ont besoin de donnéesstatistiques mais <strong>les</strong> mis en cause aussi car <strong>les</strong> statistiquespeuvent servir autant à prouver qu'à rejeter uncas de discrimination établi à première vue et à réfuter<strong>les</strong> preuves apportées par la partie adverse. Parfois, desdonnées statistiques généra<strong>les</strong>, comme <strong>les</strong> donnéestirées des recensements ou des enquêtes <strong>sur</strong> la maind'œuvre,apportent <strong>les</strong> preuves nécessaires. Dans d'autrescas, <strong>les</strong> données doivent être adaptées aux spécificitésde l'affaire. Pour ce faire, ces données seront dérivéesà partir de données <strong>relatives</strong> au monitoring de lacomposition de la force de travail. Une collecte de donnéesspécifique, par exemple au moyen de tests desituation, pourra aussi être réalisée. Dans certains pays,<strong>les</strong> organismes de promotion de l'égalité de traitementont été habilités à conduire des enquêtes formel<strong>les</strong>, pouvantcomporter des recherches de faits et des collectesde données <strong>sur</strong> site, concernant <strong>les</strong> situations potentiellementdiscriminatoires.Troisièmement, <strong>les</strong> organismes spécialisés nationauxtels que <strong>les</strong> médiateurs, <strong>les</strong> organismes de promotion del'égalité de traitement, ainsi que <strong>les</strong> organismes de monitoringinternationaux, comme <strong>les</strong> organismes des traitésdes Nations unies ou la Commission européenne contrele racisme et l'intolérance (ECRI) du Conseil de l'Europe,ont besoin d'informations quantitatives et qualitativespour exercer leurs fonctions de monitoring. Comme l'indiquel'encadré ci-dessous, ces organismes ont à plusieursreprises demandé aux États signataires de leurfournir <strong>les</strong> données <strong>sur</strong> l'égalité dont ils ont besoin. Il fautsavoir que <strong>les</strong> États membres de l'UE sont parties auxprincipa<strong>les</strong> conventions des droits de l’homme et qu'ilsont donc l'obligation juridique directe de produire desrapports nationaux réguliers. Ces rapports doiventcontenir des informations quantitatives et qualitatives,notamment en rapport avec la discrimination ( 47 ).• Le Comité des droits de l’homme des Nations unies,dans ses directives concernant <strong>les</strong> rapports présentéspar <strong>les</strong> États signataires, rappelle à ceux-ci queleurs rapports doivent contenir «suffisamment dedonnées et de statistiques» pour permettre auComité d'évaluer <strong>les</strong> progrès accomplis dans la miseen œuvre des droits de l’homme par <strong>les</strong> États signataires.• Le Comité des droits économiques, sociaux et culturelsdes Nations unies, dans son observation généralen° 1 en matière de présentation de rapports par( 46 ) Voir par ex. <strong>les</strong> documents suivants: déclaration de Copenhague <strong>sur</strong> le développement social et le programme d'action du Sommet mondial pour le développementsocial, 19 avril 1995, A/CONF.166/9. Déclaration de Durban et plan d'action. Déclaration de Vienne et programme d'action du 12 juillet 1993,A/CONF.157/23. Programme d'action mondial concernant <strong>les</strong> personnes handicapées. Règ<strong>les</strong> pour l'égalisation des chances des handicapés.( 47 ) Comité des droits de l’homme, Directives unifiées concernant <strong>les</strong> rapports présentés par <strong>les</strong> États parties, CCPR/C/66/GUI/Rev.2 (26.2.2001), paragrapheC.6. Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale n° 1, HRI/GEN/1/Rev.7 (12.5.2004). Comité CERD des Nations unies,recommandation générale n° IV, HRI/GEN/1/Rev.7 (12.5.2004). Comité CERD, recommandation générale n° XXVII concernant la discrimination à l'égard desRoms, HRI/GEN/1/Rev.7 (12.5.2004). Comité CERD, recommandation générale n° XXIX concernant l'article 1, paragraphe 1, de la Convention,HRI/GEN/1/Rev.7 (12.5.2004). Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationa<strong>les</strong>, Schéma pour <strong>les</strong> rapports devant êtreprésentés en application de l'article 25, paragraphe 1, de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationa<strong>les</strong>, adopté par le Comité des ministresle 30.9.1998 lors de la 642 e réunion des délégués des ministres.| 23