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Les ames vagabondes

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Il était évident que Jared ne partagerait pas avec moi, mais je me demandais<br />

s’il ne cherchait pas à me faire bisquer… Mes seules distractions,<br />

c’était de l’entendre manger ces douceurs ; parce qu’il le faisait<br />

avec ostentation, comme il avait tapoté son oreiller le premier soir.<br />

Un jour, Jared avait ouvert un paquet de Cheetos avec la même ostentation<br />

; l’odeur du fromage avait empli ma cellule… délicieuse, irrésistible.<br />

Il en avait mangé un seul, lentement, en me faisant entendre<br />

chaque craquement sous ses dents.<br />

J’ai entendu mon estomac gargouiller et ça m’a fait rire. Il y avait si<br />

longtemps que je n’avais pas ri. Quand était-ce pour la dernière fois ?<br />

Mon passage d’hilarité morbide dans le désert ne comptait pas. Et avant,<br />

à San Diego, les moments drôles avaient été bien rares…<br />

Sans savoir pourquoi, je trouvais la situation grotesque. Mon estomac<br />

qui se pâmait pour de vulgaires gâteaux apéritifs ! J’en riais de plus<br />

belle. Étaient-ce les prémices de la démence ?<br />

Je ne sais si ma réaction l’a offensé, toujours est-il qu’il s’est levé et a<br />

disparu de ma vue. Après un long moment, je l’ai entendu grignoter de<br />

nouveaux ses Cheetos, mais plus loin. J’ai passé la tête par l’ouverture<br />

et je l’ai vu dans l’ombre au bout du tunnel, me tournant le dos. Je suis<br />

retournée au fond de mon trou, de crainte qu’il me voie. À partir de ce<br />

jour-là, il est resté le plus possible au bout du boyau. La nuit, seulement,<br />

il venait s’installer devant ma geôle.<br />

Deux fois par jour – ou plutôt, deux fois par nuit, car il choisissait toujours<br />

des heures où l’on ne risquait pas de croiser quelqu’un – il<br />

m’emmenait dans la salle des rivières ; c’était un grand moment, malgré<br />

la peur, car je pouvais enfin m’extraire de mon caveau de torture.<br />

Il m’était chaque fois plus pénible de retourner dans mon trou.

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