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Les ames vagabondes

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à pleurer sa perte. Peut-être ne pouvait-il exister de joie sur cette<br />

planète sans sa livre de douleur pour équilibrer une balance invisible.<br />

J’avais hérité de ses faiblesses. J’étais habituée à utiliser un corps robuste,<br />

rapide, svelte et grand – un corps qui pouvait courir sur des<br />

kilomètres, fonctionner longtemps sans boire ni manger, soulever de<br />

lourdes charges, atteindre les plus hautes étagères. Mon corps aujourd’hui<br />

était fragile, pas seulement physiquement. Ce corps était<br />

tétanisé au moindre doute de ma part, ce qui se produisait de plus en<br />

plus souvent ces derniers jours.<br />

On m’avait attribué un nouveau rôle dans la communauté. <strong>Les</strong> gens<br />

portaient les charges pour moi, me laissaient passer la première en<br />

cuisine. On me donnait les corvées les plus faciles et, la plupart du<br />

temps, on les faisait à ma place. Plus humiliant encore, j’avais besoin<br />

d’aide très souvent. Mes muscles étaient flasques, guère habitués à<br />

l’effort. Je me fatiguais vite, et mes tentatives pour dissimuler mon<br />

épuisement ne trompaient personne. Je n’aurais jamais pu courir ne<br />

serait-ce qu’un seul kilomètre.<br />

Mais mes carences physiques n’étaient pas les seules raisons du traitement<br />

de faveur dont on me gratifiait. J’étais habituée à avoir un visage<br />

séduisant, mais d’une beauté qui inspirait la crainte, la méfiance, voire<br />

la haine. Ce nouveau visage ne suscitait jamais ce genre de sentiments.<br />

<strong>Les</strong> gens me caressaient souvent la joue, ou passaient leurs doigts sous<br />

mon menton pour me relever le visage. On me tapotait la tête – qui<br />

était toujours à portée de main étant donné ma petite taille – et mes<br />

cheveux étaient lissés si souvent que j’avais cessé de tenir le compte de<br />

ces occurrences incongrues. Ceux qui ne m’avaient jamais acceptée<br />

étaient devenus mes amis. Même Lucina n’a opposé qu’une molle<br />

résistance lorsque ses enfants ont commencé à me suivre partout<br />

comme deux petits chiots affectueux. Freedom, en particulier, montait<br />

sur mes genoux à la moindre occasion, et enfouissait sa tête dans mes

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