sophisticated princes and enigmatic xv century paintings - Abolala ...
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TABLEAU B 73<br />
Néanmoins, comme la plupart des visiteurs de la chapelle n’avaient jamais vu les<br />
personnes réelles que devaient représenter ces rois mages, il fallait les rendre<br />
reconnaissables à l’aide de signes distinctifs, tel leur vêtement ou leur bonnet. Nous<br />
remarquons par exemple, que chaque mage porte un couvre-chef différent, surmonté<br />
d’une couronne dorée (signe de royauté). Comme déjà indiqué, celui de Melchior est<br />
une copie du bonnet en fourrure germanique que porte Sigismond dans ses portraits<br />
(fig. 67a, 133). Ronchey prétend que celui de Balthazar est le « fruit d’une<br />
fantaisie ». 120 Bien au contraire, il s’agit d’une couronne emblématique byzantine<br />
comme celle portée par Jean VIII Paléologue sur le sceau qu’il avait apposé sur un des<br />
documents du concile de la Réunification en 1439 (fig. 93). J’expliquerai ceci plus en<br />
détail en section G.1. Quant au chapeau de Gaspar, il est bourguignon et du XV e<br />
siècle, similaire à ceux qu’on trouve dans les manuscrits (exemple fig. 90), ou parmi<br />
les dessins méticuleux de Braun et Schneider préparés entre 1861 et 1890 (fig. 91 a,<br />
b). Ce sont les seuls à avoir cette forme, dans ce catalogue très complet de vêtements<br />
d’époque. 121 En outre, le manteau trois-quarts de Gaspar, doublé de fourrure, a des<br />
ouvertures en haut des manches ; il n’est pas florentin mais bourguignon, ou tout du<br />
moins nordique. 122<br />
Un indice encore plus important se trouve sur le manteau de Gaspar : sur sa poitrine,<br />
on voit une série de pierres rouges, entourées de flammes dorées (fig. 94), à la<br />
manière des signes de fusil sur les colliers de l’ordre de la Toison d’or. Mais comme<br />
pour le Tableau A, l’emblème propre de la Toison d’or a été supprimé pour éliminer<br />
tout signe qui relèverait du paganisme. Philippe avait fait Charles chevalier de l’ordre<br />
de la Toison d’or, dès l’âge d’un an ; c’était un honneur auquel nul autre adolescent ne<br />
pouvait prétendre. Ces symboles de fusils flamboyants sur le manteau de Gaspar<br />
l’identifiaient donc avec Charles le Téméraire, en sa capacité du comte de Charolais.<br />
Il est vrai que Charles ne visita jamais Ferrare ou Florence, mais Sigismond non plus.<br />
L’important était d’avoir un symbolisme puissant, avec un minimum de vérité. La<br />
représentation de Gaspar à l’image de Charles, pour évoquer l’intervention de la<br />
Bourgogne dans le concile de Réunification (qui dura jusqu’à 1442, lorsque Charles<br />
avait neuf ans), introduisait une harmonie symétrique dans la procession des rois<br />
mages, tout en restant conforme aux paramètres établis par les Médicis pour la<br />
réalisation de ces fresques. Ces paramètres (essentiellement trois <strong>princes</strong> étrangers,<br />
intervenants dans un événement de la chrétienté qui pouvait être considéré comme<br />
une seconde Nativité) reflétaient ceux de l’Adoration des mages de Gentile da<br />
120 Ronchey 2006, p. 104.<br />
121 Braun et Schneider 1975, pl. 28c et 29c. Ces chapeaux sont copiés sur les tapisseries bourgui-gnonnes<br />
pillées par les Suisses lors de la bataille de Nancy ; ils sont maintenant au musée de Berne.<br />
122 Voir par exemple, la robe d’Albert II dans le Tableau F. La même mode aurait pu pénétrer peu à peu<br />
l’Italie, parce qu’à l’époque, beaucoup de <strong>princes</strong> italiens résidaient en Bourgogne. Mais compte tenu du<br />
climat tempéré de Florence, l’utilisation de vêtement en fourrure ne devait pas être en vogue.