sophisticated princes and enigmatic xv century paintings - Abolala ...
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98 MECENES ERUDITS ET PEINTURES ENIGMATIQUES<br />
troupes bourguignonnes. C’est ce qu’ils firent dès que Charles prit le chemin de Paris<br />
lors de la Guerre du Bien Public. Mais les concessions que Charles avait obtenues du<br />
roi à la fin de cette guerre, en firent de lui le vrai vainqueur. Pour maintenir la gloire<br />
et le prestige ainsi obtenu, il devait réagir avec fermeté contre tout affront. Quant aux<br />
citoyens de Liège, ayant compris leur erreur, et par crainte des représailles du duc, ils<br />
dem<strong>and</strong>èrent immédiatement pardon, sachant bien qu’il fallait payer un prix lourd.<br />
Charles exigea aux citoyens les plus importants de Liège de se présenter devant lui,<br />
tête nue et à genoux, reconnaissant qu’ils l’avaient malicieusement attaqué, et<br />
d’implorer sa clémence. Ils devaient aussi payer 530000 florins au duc Philippe et à<br />
son fils, et ab<strong>and</strong>onner la construction de toutes fortifications le long de leur frontière<br />
commune. Tout ceci fut inclus dans un traité signé le 26 Janvier 1466.<br />
La partie centrale de cette illustration, où Nabarzanes avance à genoux et tête nue<br />
devant Alex<strong>and</strong>re pour supplier son pardon, fait allusion à la modalité du pardon<br />
imposé par Charles aux citoyens de Liège.<br />
Sur la droite, la scène des Amazones évoque la mort prématurée de la deuxième<br />
femme de Charles, Isabelle de Bourbon, survenue le 24 septembre 1465, pendant la<br />
rébellion de Liège. Comme Thalestris, Isabelle était venue, avait donné un enfant à<br />
Charles, et était partie peu de temps après. Les Amazones accompagnant Thalestris<br />
ont une vêture bourguignonne mais à la manière décrite par Quinte Curce : « les<br />
vêtements des Amazones ne recouvrent pas tout leur corps : la partie gauche est<br />
ouverte jusqu’à la poitrine mais couvrant le reste, t<strong>and</strong>is que la jupe de cet ensemble,<br />
nouée sur le côté , s’arrête au dessus des genoux ». 181 Ce qui est intéressant pour notre<br />
propos est la présence d’un personnage qui ressemble à Jean d’Auxy de l’illustration<br />
précédente : il est barbu et porte les mêmes habits, avec bottes et chapeau pointu, mais<br />
en plus le collier multi-chaînes, et ce pendentif qui devait évoquer dans les<br />
cérémonies officielles celui de l’ordre de la Toison d’or.<br />
Il y a de fortes chances pour que la transformation de l’eunuque Bagoas en jeune fille<br />
ait eu pour but de concorder avec la réalité historique. Une des raisons de la rébellion<br />
des Liégeois était leur animosité envers l’évêché de Louis de Bourbon (évq. 1456-82)<br />
que le duc Philippe leur avait imposé. En tant que sœur de cet évêque, 182 Isabelle de<br />
Bourbon avait probablement plaidé la cause des Liégeois avant sa mort, pour que<br />
l’infamie du massacre d’innocents ne tombe pas sur sa famille. On comprend donc<br />
pourquoi ces deux épisodes font partie de la même illustration : ils sont<br />
contemporains et se réfèrent tous deux à Isabelle. Ainsi, Bagoas devient femme, et<br />
porte un chapeau conique doré en conformité avec le statut de la <strong>princes</strong>se qu’il devait<br />
représenter.<br />
181 Quinte Curce 2004, p. 128.<br />
182 Je suis reconnaissant à Bertr<strong>and</strong> Schnerb pour m’avoir informé de la parenté d’Isabelle avec Louis.