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Sans vigilance - Global Witness

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3. La Riggs et la Guinée équatoriale : relations d’affaires avec des chefs<br />

d’État<br />

La Riggs offre le meilleur exemple qui soit du non-respect de l’obligation de soumettre les<br />

personnes politiquement exposées à des mesures de diligence raisonnable. Cette banque de<br />

Washington, établissement vénéré qui a compté Abraham Lincoln parmi ses clients et qui<br />

s’autoproclamait « banque des présidents », s’est effondrée en 2004 après qu’une enquête<br />

d’un comité du Sénat américain et des enquêteurs spécialisés dans la justice pénale fédérale<br />

aient découvert que la banque avait détenu des comptes pour le Président de la Guinée<br />

équatoriale Teodoro Obiang, des membres de sa famille et de son gouvernement corrompu,<br />

ainsi que pour l’ancien dictateur chilien Augusto Pinochet. 40<br />

La Riggs a été assujettie par ses régulateurs à une amende civile de 25 millions de dollars en<br />

mai 2005 pour manquement à l’obligation de mise en œuvre des réglementations antiblanchiment<br />

; elle a plaidé coupable en janvier 2005, acceptant les peines pénales fédérales<br />

qui lui ont été infligées pour non-transmission de déclarations d’opérations suspectes, et<br />

convenant de s’acquitter d’une amende pénale de 16 millions de dollars. 41 En 2005, la banque<br />

a été vendue, au rabais, au PNC Financial Services Group de Pennsylvanie, et le nom Riggs a<br />

disparu de la circulation. Entre la première offre du groupe PNC en 2004 et le prix réduit dont<br />

il a finalement été convenu en 2005, la Riggs avait perdu 20 % de sa valeur actionnariale, soit<br />

environ 130 millions de dollars. 42<br />

L’histoire de la Riggs, qui a ignoré les réglementations anti-blanchiment pourtant resserrées<br />

depuis peu, fermé les yeux sur certains éléments démontrant l’existence d’une corruption<br />

étrangère, et permis la réalisation de transactions suspectes sans les signaler aux autorités<br />

compétentes, est désormais citée dans le monde entier pour sensibiliser les responsables de la<br />

conformité des banques aux risques que présentent les relations d’affaires avec des personnes<br />

politiquement exposées. Le reste du secteur bancaire a tendance à considérer la Riggs comme<br />

un cas à part, en raison du nombre élevé de comptes d’ambassades étrangères qui ont entraîné<br />

la réalisation d’affaires à haut risque, et ne voit donc pas comment son histoire pourrait<br />

s’appliquer aux autres banques.<br />

Avec ses nombreux comptes d’ambassades, la Riggs était effectivement, à certains égards, un<br />

cas à part, mais cela ne signifie pas qu’il faille reléguer cette affaire au chapitre « préhistoire »<br />

des manuels de conformité. La première raison en est que l’affaire de la Riggs illustre à la<br />

perfection les différentes défaillances mises en relief dans le présent rapport : culture éthique<br />

de la banque ; système de conformité de la banque ; et action des régulateurs. Il est inhabituel<br />

de pouvoir se plonger dans les affaires d’une banque, de voir comment les registres étaient<br />

tenus (ou pas) sur les clients en vue, comment les décisions étaient prises et par qui. Toutes<br />

ces informations ont été divulguées suite à la désagrégation de la Riggs : on a donc pu<br />

examiner de près l’« anatomie » de cet établissement qui a aidé des membres<br />

de gouvernements corrompus et riches en ressources à détourner les fonds pétroliers à des fins<br />

personnelles.<br />

Mais là n’est pas la principale raison pour laquelle nous revenons sur l’histoire de la Riggs.<br />

Malgré le scandale provoqué par les activités de cette banque avec la Guinée équatoriale et<br />

ses dirigeants, des questions troublantes et primordiales restent en suspens sur ce qui est<br />

advenu de l’argent du pétrole équato-guinéen, sur la façon dont les lois du secret bancaire ont<br />

entravé son suivi, et il convient de se demander si les régulateurs font depuis preuve d’une<br />

plus grande rigueur. Ces questions sont véritablement pertinentes pour les autres banques et<br />

leurs autorités de régulation, ainsi que pour les gouvernements.<br />

Encadré n° 3 : La Guinée équatoriale<br />

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