Sans vigilance - Global Witness
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les transactions de la Guinée équatoriale avec la Riggs depuis le début et la Riggs n’a<br />
pas même une seule fois envoyé de l’argent vers une entité ou une destination<br />
‘louche’ ». 61<br />
Kareri a rédigé ce mémo le 12 décembre 2002, alors qu’avaient déjà été effectués la<br />
majorité des virements depuis les comptes équato-guinéens identifiés ultérieurement<br />
par le rapport du Sénat comme étant suspects.<br />
• Des documents portant sur la société écran offshore et détenue en personne par le<br />
Président Obiang, Otong SA, qui a reçu des dépôts de 11,5 millions de dollars. Des<br />
rapports de transaction de devises archivés par la banque, conformément aux<br />
réglementations exigeant leur soumission pour toute transaction dépassant les<br />
10 000 dollars, représentaient à tort la société Otong comme dégageant ses bénéfices<br />
du bois, alors que le personnel de la banque savait que la société appartenait au<br />
Président. 62 Aucune déclaration d’opérations suspectes (DOS) n’a jamais été déposée,<br />
malgré les millions de dollars qui ont été versés sur les comptes d’une compagnie<br />
offshore appartenant à Obiang. 63<br />
Tardivement, alors qu’en janvier 2004, les enquêteurs du Sénat bûchaient déjà sur son dossier,<br />
la Riggs a certes déposé une déclaration d’opérations suspectes concernant Otong, que <strong>Global</strong><br />
<strong>Witness</strong> a pu consulter. Cette déclaration révèle le motif extraordinaire invoqué après coup<br />
par la banque pour justifier les mouvements d’argent suspect vers le compte d’Otong. La<br />
DOS fait état de sept dépôts en espèces effectués entre septembre 1999 et avril 2002, pour un<br />
montant total de 11,5 millions de dollars. Ces dépôts avaient été effectués par l’ambassadeur<br />
équato-guinéen en poste à Washington, et l’explication donnée par Michael Parris, de la<br />
division « Secteurs bancaires aux ambassades » de la Riggs, était que « les dépôts en espèces<br />
ont été faits à partir des fonds que le Président a reçus suite à la fermeture de CD [certificats<br />
de dépôt] dans des banques étrangères et, ne voulant pas que ces banques sachent où il<br />
redéposait l’argent, il a décidé de ne pas faire de virement mais plutôt de conserver les fonds<br />
en espèces pour éviter d’éveiller l’attention de prétendus négociants à la recherche<br />
d’opportunités de réinvestissement ». 64<br />
Il semble extrêmement peu probable que la Riggs ait été dotée d’une culture éthique en<br />
vigueur à tous les niveaux de l’organisation lui interdisant de conclure des affaires avec des<br />
régimes désobligeants comme celui de la Guinée équatoriale. Au niveau de la conformité<br />
réglementaire également, la banque a lamentablement échoué. Les enquêteurs du Sénat ont<br />
conclu que les comptes de la Guinée équatoriale n’étaient pas des aberrations mais « le<br />
produit d’un programme LBC [lutte contre le blanchiment des capitaux] dysfonctionnel<br />
caractérisé par des déficiences majeures et présentes de longue date », dont une incapacité à<br />
s’empresser d’identifier tous les comptes associés à un client donné, l’absence de tout système<br />
d’évaluation des risques qui aurait permis d’identifier les comptes à haut risque, et<br />
l’insuffisance des informations sur les clients. 65 Si des politiques applicables à la connaissance<br />
du client étaient en vigueur dans la banque, elles n’ont pas été exécutées ; la banque n’a même<br />
pas observé ses propres règles.<br />
Les défaillances des régulateurs<br />
Les dispositifs internes de la banque ne sont pas les seuls contrôles à avoir failli face à un<br />
client puissant. La ligne de défense suivante aurait dû être celle des régulateurs. Basée en<br />
plein centre de Washington, la Riggs se trouvait on ne peut plus près du centre du pouvoir<br />
réglementaire du pays qui a déployé les efforts les plus considérables qui soient pour que les<br />
banques assument leurs responsabilités en matière de lutte contre le blanchiment. Or cette<br />
banque a pu poursuivre ses activités pendant plusieurs années malgré la déficience de ses<br />
systèmes. À partir de 1997, les examinateurs travaillant pour le principal régulateur de la<br />
banque, à savoir le bureau du Contrôleur de la monnaie des États-Unis (Office of the<br />
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