Sans vigilance - Global Witness
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moins de 2 dollars par jour. 305 Malgré son statut de premier pays producteur de pétrole<br />
d’Afrique, l’Angola pointe seulement en 162 e position sur 177 au classement de l’Indice de<br />
développement humain des Nations Unies, rétrogradant ainsi de deux places par rapport au<br />
classement de 1999 qui comptait 174 pays, dix ans plus tard, et après plusieurs milliards de<br />
dollars. 306 Qui plus est, la manne pétrolière des années 1990 s’est traduite par une forte<br />
aggravation des inégalités. L’Angola est aujourd’hui l’une des sociétés les plus inégalitaires<br />
au monde. 307<br />
Pourtant, les prêts commerciaux gagés sur le pétrole consentis à la Sonangol par des banques,<br />
principalement européennes, mais également de plus en plus chinoises, n’ont cessé<br />
d’augmenter. Chaque prêt se chiffre désormais en milliards de dollars. La presse<br />
professionnelle vante le sérieux de la Sonangol, sur laquelle elle ne tarit pas d’éloges. Au<br />
cours des dernières années, le sérieux de cet emprunteur a d’ailleurs été récompensé par des<br />
prêts de plus en plus importants, par des baisses des taux d’intérêt, et par des délais de<br />
remboursement plus longs.<br />
Depuis deux ans, les prêts gagés sur le pétrole ne sont plus la seule source de financement<br />
externe de l’Angola. La Chine puis deux banques européennes ont mis à sa disposition<br />
d’importantes lignes de crédit. Mais de tels prêts continuent. <strong>Global</strong> <strong>Witness</strong> et la société<br />
civile angolaise s’inquiètent du fait que ces prêts permettent au gouvernement angolais, en<br />
vendant à terme sa production pétrolière, de convertir des recettes futures en liquidités<br />
immédiates, sans explication ni justification quant à leur utilisation. En consentant de tels<br />
prêts, les banques se rendraient elles-mêmes complices des activités d’un gouvernement qui<br />
rechigne à la transparence totale des revenus qu’il tire des ressources publiques du pays.<br />
Ce chapitre montre que les dépôts de fonds ne sont pas la seule manière pour les banques<br />
d’alimenter un État fantôme corrompu et qu’elles peuvent également le faire en consentant<br />
des prêts opaques. Mais qu’il s’agisse d’accepter ou de prêter de l’argent, le besoin de<br />
diligence raisonnable reste le même. Si la banque ne vérifie pas d’où vient l’argent, le risque<br />
existe qu’il provienne de la corruption. Si elle ne vérifie comment est utilisé l’argent, le risque<br />
existe qu’il alimente la corruption.<br />
Qu’est-ce qu’un prêt gagé sur le pétrole ?<br />
Les entreprises ont besoin des banques, et notamment les entreprises extractives de pétrole.<br />
Leurs besoins de financement sont importants en raison du coût initial élevé de l’extraction de<br />
la matière première du sol avant de pouvoir la vendre. L’une des solutions est d’emprunter de<br />
l’argent en utilisant le pétrole comme garantie. L’autre, qui est dans certains cas plus sûre<br />
pour les banques, est le financement pré-export. Le prêt n’est pas simplement gagé sur le<br />
pétrole mais est directement remboursé par le paiement de cargaisons pétrolières futures,<br />
effectué sur le compte offshore d’une « société ad hoc ». Les modalités du contrat de prêt<br />
prévoient expressément comment les cargaisons futures seront « levées » et vendues, à qui et<br />
quand, afin de reconstituer le compte offshore de la « société ad hoc » sur lequel la banque<br />
prélève les sommes venant en remboursement du prêt. Telle était la structure utilisée il y a<br />
peu de temps encore par les emprunts commerciaux gagés sur le pétrole consentis à la<br />
Sonangol.<br />
Les taux d’intérêt sur ces prêts ne sont pas toujours pour l’emprunteur le moyen le plus<br />
économique d’obtenir des fonds, mais parce que le prêteur dispose d’un moyen extrêmement<br />
sûr de récupérer son argent, c’est une solution intéressante pour les banques. En ce qui<br />
concerne la banque, l’argent qui sert à son remboursement ne touche ni de près ni de loin la<br />
société emprunteuse, voire même parfois le pays avec lequel elle s’engage. Le mécanisme<br />
fonctionne ainsi : une compagnie pétrolière internationale extrait le pétrole en Angola, un<br />
négociant occidental l’achète puis verse l’argent directement sur un compte offshore, sur<br />
lequel la banque se rembourse.<br />
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