INTRODUCTIONL’environnement <strong>et</strong> l’agriculture sont tributaires de nombreuses <strong>et</strong> diverses espècespollinisatrices, dont 20 000 espèces d’abeilles 1 dans le monde (environ 850 en France), quicontribuent à la survie <strong>et</strong> à l’évolution de plus de 80 % <strong>des</strong> espèces végétales. Dans cerapport, sauf mention contraire, il ne sera question que de l’abeille domestique(Apis mellifera). La valeur annuelle, mondiale, de ce service écologique, serait supérieure àune centaine de milliards de dollars.Mais, dans de nombreux pays industrialisés, les populations de ces pollinisateursconnaissent, depuis une cinquantaine d’années, un déclin qui semble s’accélérer(Decourtye, 2006), préoccupant tant au plan écologique qu’économique en raison <strong>des</strong> pertesde production végétales qu’il engendre d’une part, <strong>et</strong> de l’atteinte de la biodiversité d’autrepart.Ainsi, <strong>des</strong> pertes d’abeilles domestiques <strong>et</strong> de <strong>colonies</strong> d’abeilles domestiques ont étédécrites dans les revues apicoles anciennes, depuis que l’apiculture a évolué de la ruch<strong>et</strong>raditionnelle à la ruche à cadre. L’étude bibliographique <strong>des</strong> témoignages <strong>des</strong> apiculteurs,avant l’utilisation <strong>des</strong> produits de synthèse en agriculture, montre que 23 % d’entre eux en1894 (Revue internationale d’apiculture, année 1894) <strong>et</strong> 69 % d’entre eux en 1926(Revue l’Apiculteur, année 1926) étaient consacrés à la mention de récoltes de mielconsidérées anormalement basses, le plus souvent expliquées par <strong>des</strong> conditionsmétéorologiques défavorables. Un nombre important d’articles était alors consacré auxmaladies <strong>des</strong> abeilles <strong>et</strong> du couvain ainsi qu’à leur contrôle.A partir de 1998, plusieurs témoignages <strong>et</strong> articles de presse ont rapporté un affaiblissement<strong>et</strong> une mortalité apparemment inhabituels de <strong>colonies</strong> d’abeilles en France (Tardieu, 1998 ;Cougard, 1999 ; Bernard, 2000 ; Maus <strong>et</strong> al., 2003). La profession apicole a estimé à 22 % labaisse de production nationale de miel entre les années 1995 <strong>et</strong> 2001 (Hopquin, 2002).Une mortalité similaire de <strong>colonies</strong> d’abeilles, ayant pour conséquence un impact sur lerendement en miel, a été constatée dans la plupart <strong>des</strong> pays européens <strong>et</strong> plusparticulièrement, en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Angl<strong>et</strong>erre, aux Pays-Bas, enItalie <strong>et</strong> en Espagne. Les publications scientifiques font état d’une mortalité atteignant, dansles cas extrêmes, 90 % voire 100 % du cheptel lors de la reprise d’activité, en find’hiver/début du printemps (Faucon <strong>et</strong> al., 2002 ; Faucon, 2006).En juill<strong>et</strong> 2008, le réseau d’épidémiosurveillance anglo-gallois fait état d’un taux de mortalité<strong>des</strong> <strong>colonies</strong> d’abeilles atteignant 24,2 % <strong>et</strong> prévoit, pour l’ensemble de l’année 2008, untaux supérieur à celui <strong>des</strong> années précédentes (AESA, 2008).Ces <strong>affaiblissements</strong> <strong>et</strong> pertes de <strong>colonies</strong> sont signalés, en France, principalement maisnon exclusivement, dans les zones de gran<strong>des</strong> cultures agricoles. La dépopulation constatéedans les ruchers est parfois sévère, limitant la production de miel avec une intensitéproportionnelle au manque d’abeilles. Les <strong>affaiblissements</strong> survenant en fin d’année apicolepeuvent également avoir pour conséquence une mortalité hivernale plus fréquemmentrapportée.Dans son environnement, l’abeille est soumise à différents éléments que sont les agentsbiologiques infectieux (prédateurs, parasites, champignons, bactéries, virus) <strong>et</strong> les agentsnon biologiques (toxiques divers, conditions climatiques, contraintes de production, <strong>et</strong>c.). Si,historiquement, les anomalies apicoles étaient majoritairement mises en relation avec lesmaladies dues aux agents pathogènes biologiques de l’abeille, plus récemment, la présenced’éléments chimiques dans l’environnement de l’abeille, provoquant potentiellement sonintoxication, a été incriminée. Les apiculteurs ont tendance à rapporter à <strong>des</strong> intoxications :- les pertes d’abeilles <strong>et</strong> de <strong>colonies</strong> constatées lors <strong>des</strong> semis de tournesols <strong>et</strong>/ou <strong>des</strong>floraisons de tournesols <strong>et</strong> de maïs ;- les mortalités hivernales, notamment dans les zones de gran<strong>des</strong> cultures.1 Abeilles : insectes hyménoptères de la famille <strong>des</strong> apidés.15
Par ailleurs, s’est développée l’opinion selon laquelle, le déclenchement de toute maladieaurait pour origine un contaminant chimique (Molga, 2007 ; De Vericourt, 2007).Face à d’importants débats, un approfondissement <strong>des</strong> connaissances sur la problématique<strong>des</strong> <strong>affaiblissements</strong> <strong>et</strong> de la mortalité <strong>des</strong> <strong>colonies</strong> d’abeilles, à partir d’étu<strong>des</strong>multifactorielles, est apparu indispensable. Ces étu<strong>des</strong>, conduites selon <strong>des</strong> métho<strong>des</strong>transparentes, devaient perm<strong>et</strong>tre de dégager une vision, la plus objective possible, <strong>des</strong>interactions entre les productions (apicole <strong>et</strong> agricole).Le Ministre de l'agriculture, de l’alimentation <strong>et</strong> de la pêche a décidé, pour répondre auxalarmes <strong>des</strong> apiculteurs face aux <strong>affaiblissements</strong> massifs <strong>des</strong> ruchers français que laprofession attribue majoritairement à l’utilisation, en agriculture, de semences de tournesol <strong>et</strong>de maïs enrobées (substances actives : fipronil <strong>et</strong> imidaclopride), d'appliquer le principe deprécaution en suspendant, en janvier 1999, l'utilisation du Gaucho® (imidaclopride) pour l<strong>et</strong>raitement <strong>des</strong> semences de tournesol, puis en mai 2004, son utilisation pour le traitement<strong>des</strong> semences de maïs. Fin février 2004, l’utilisation du Régent TS® (fipronil) a étésuspendue, pour tout usage agricole.Par ailleurs, il a créé en 2001 un Comité Scientifique <strong>et</strong> Technique (CST), chargé de piloterune étude multifactorielle <strong>des</strong> troubles <strong>des</strong> abeilles. A ce jour, le CST a rendu public deuxrapports intitulés : « Imidaclopride utilisé en enrobage de semences (Gaucho®) <strong>et</strong> troubles<strong>des</strong> abeilles » <strong>et</strong> « Fipronil utilisé en enrobage de semences (Régent TS®) <strong>et</strong> troubles <strong>des</strong>abeilles » (cf. annexe 3 du rapport qui évoque ces travaux).Afin d’apporter <strong>des</strong> réponses à la filière apicole française sur la mortalité <strong>des</strong> <strong>colonies</strong>d’abeilles <strong>et</strong> d’en déterminer les causes, <strong>et</strong>/ou les facteurs de risque associés, il est apparunécessaire à la Directrice générale de l’Agence française de sécurité sanitaire <strong>des</strong> aliments(Afssa) de faire procéder à l’analyse de l’ensemble <strong>des</strong> travaux réalisés sur le suj<strong>et</strong> <strong>et</strong>conduire une évaluation scientifique collective à partir <strong>des</strong> données disponibles.Elle a proposé, en accord <strong>et</strong> en lien avec le président du Comité d’experts spécialisé « Santéanimale » (CES SA), dans le but d’une approche scientifique <strong>et</strong> pluridisciplinaire, la formationd’un groupe de travail ad hoc chargé :1) α) de réaliser une analyse critique <strong>des</strong> données scientifiques <strong>et</strong> <strong>des</strong> résultats <strong>des</strong>travaux de recherche collectés <strong>et</strong> disponibles à l’échelle nationale <strong>et</strong> internationalesur les mortalités (incluant les <strong>effondrements</strong> <strong>et</strong> les <strong>affaiblissements</strong>) <strong>des</strong> <strong>colonies</strong>d’abeilles ;β) d’identifier, s’il est possible, les causes <strong>et</strong>/ou les facteurs de risque <strong>des</strong> mortalités(incluant les <strong>effondrements</strong>, les <strong>affaiblissements</strong>) <strong>des</strong> <strong>colonies</strong> d’abeilles étudiées enFrance à partir <strong>des</strong> données disponibles ;2) d’évaluer le caractère généralisable de ces conclusions à l’ensemble <strong>des</strong> ruchers enFrance sur la base <strong>des</strong> recensements <strong>des</strong> enregistrements effectués dans lesruchers, par les apiculteurs <strong>et</strong> <strong>des</strong> agents sanitaires apicoles : nombre <strong>des</strong> ruches <strong>et</strong>ruchers au niveau national, productions, évolution <strong>des</strong> effectifs <strong>des</strong> ruches dans l<strong>et</strong>emps, cas déclarés de maladies réputées contagieuses (MRC) <strong>et</strong> de maladies àdéclaration obligatoire (MDO), recensement <strong>des</strong> intoxications, traitements antiparasitaires<strong>et</strong> anti-infectieux utilisés… ;3) d’aboutir à <strong>des</strong> recommandations :- sur les enregistrements <strong>et</strong> plans de surveillance nécessaires à un suivi objectif<strong>et</strong> quantitatif de l’importance <strong>des</strong> problèmes ;- sur les travaux complémentaires qu’il serait nécessaire de conduire si uneinsuffisance de données était révélée dans le cadre de c<strong>et</strong>te auto-saisine ;- sur un éventuel besoin de mise en place de réseaux d’épidémiosurveillance. »16
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