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Rapport sur l'homophobie <strong>2012</strong> • Santé-Médecine<br />

La parole à...<br />

Étienne<br />

Deshoulières,<br />

avocat<br />

Peut-on taire sa séropositivité ?<br />

En décidant que « le fait de taire sa séropositivité<br />

avant d’avoir des relations sexuelles est un délit»,<br />

les juges parisiens ont relancé en 2011 le débat sur<br />

la vie privée des porteurs du VIH. À qui peut-on<br />

désormais cacher sa séropositivité ? Les porteurs<br />

du virus ont-il droit au respect de leur vie privée ?<br />

État des lieux d’une judiciarisation de la transmission<br />

du VIH.<br />

Chacun a droit au respect de sa vie privée 84 .<br />

Ce droit fondamental garantit en particulier aux<br />

malades de ne pas avoir à révéler leur état de santé.<br />

Il leur permet également de s’opposer à ce qu’un<br />

tiers dévoile leur maladie 85 .<br />

Pourtant, le malade atteint du VIH semble appartenir<br />

à une catégorie particulière. Dans une décision<br />

du 15 novembre 2011, le tribunal de grande instance<br />

(TGI) de Paris a en effet jugé que « si la santé<br />

de tout un chacun est un élément de sa vie privée,<br />

il ne peut dans certaines circonstances, notamment<br />

quand un risque vital peut être encouru par des<br />

tiers, et le tribunal rappelle que le fait de taire sa<br />

séropositivité avant d’avoir des relations sexuelles<br />

est un délit, être reproché à des tiers de mettre<br />

en garde [...] des personnes susceptibles d’être<br />

touchées par ce virus ».<br />

Le TGI de Paris a en conséquence rejeté les demandes<br />

de la personne séropositive, qui agissait pour<br />

violation de sa vie privée, en décidant que « le droit<br />

à la vie privée de chacun s’efface devant les nécessités<br />

de l’information».<br />

Auparavant, la Cour de cassation avait condamné<br />

pour administration de substances nuisibles 86 ,un<br />

porteur du VIH. « Connaissant sa contamination<br />

déjà ancienne au VIH pour laquelle il devait suivre un<br />

traitement, le prévenu a entretenu pendant plusieurs<br />

mois des relations sexuelles non protégées avec sa<br />

compagne en lui dissimulant volontairement son<br />

état de santé et a ainsi contaminé par la voie sexuelle<br />

la plaignante, désormais porteuse d'une affection<br />

virale constituant une infirmité permanente.» 87<br />

Il existait ainsi une triple condition pour que<br />

le <strong>rapport</strong> sexuel d’un porteur du VIH soit un délit:<br />

le malade devait connaître son état de santé;<br />

il devait avoir eu un <strong>rapport</strong> non protégé ; il devait<br />

avoir contaminé son partenaire.C’est cette conception<br />

stricte de la judiciarisation de la transmission<br />

du VIH que le TGI de Paris a remis en cause en<br />

décidant que « le fait de taire sa séropositivité avant<br />

d’avoir des relations sexuelles est un délit».<br />

Faut-il en conclure que, désormais, un porteur du<br />

VIH ayant eu un <strong>rapport</strong> sexuel protégé est un<br />

délinquant? Pas encore.<br />

La décision n’est pas définitive et a été prise en<br />

matière civile concernant le respect de la vie privée.<br />

Elle n’a donc vocation à faire jurisprudence qu’en<br />

cette matière.Toutefois, la vie privée est également<br />

protégée par le droit pénal. Cette décision pourrait<br />

ainsi ouvrir la voie à une évolution juridique au<br />

terme de laquelle le porteur du VIH n’aurait plus<br />

droit au respect de sa vie privée<br />

84. Article 9 alinéa 1 du code civil.<br />

85. Paris, 9 juillet 1980 : D.1981.72 (2e esp.), note Lindon ;<br />

TGI Paris, 6 juin 1988 : Gaz.Pal. 1989.1.30. Voir aussi<br />

civ.1re, 6 juin 1987 : Bull. civ.I, no191 (photographie<br />

d'une comédienne à sa sortie d’hôpital).<br />

86. Articles 222-15 et 222-9 du code pénal. La Cour de<br />

cassation n’a pas condamné les prévenus sur le fondement<br />

de mise en danger de la personne (article 223-1 du code<br />

pénal) ou de l’empoisonnement (article 221- 5 du code<br />

pénal).<br />

87. Cour de cassation, chambre criminelle, 5 octobre 2010,<br />

n° 09-86.209.<br />

Étienne Deshoulières<br />

Ancien rédacteur en chef du journal Kactus, cet<br />

avocat au barreau de Paris traite de problématiques<br />

de propriété intellectuelle, de droit de<br />

l’Internet et d’atteinte à la vie privée.<br />

http://www.deshoulieres-avocat.com

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