rapport_annuel_2012
rapport_annuel_2012
rapport_annuel_2012
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
La parole à…<br />
Sébastien<br />
Carpentier<br />
Chez l’adolescent, la peur du féminin à l’origine<br />
du sexisme et de l’homophobie<br />
L’adolescence est un processus de construction<br />
de l’identité, notamment et surtout sexuelle.<br />
Les questions de sexe, de genre et de sexualité<br />
sont très sensibles au cours de cette période.<br />
C’est pourquoi la prévention et la lutte contre<br />
l’homophobie et le sexisme, c’est-à-dire les discriminations<br />
sexuelles, doivent faire l’objet de<br />
beaucoup de technicité et de sérieux dans le<br />
milieu scolaire. Les interventions de SOS homophobie<br />
dans les établissements scolaires sont<br />
importantes et doivent être développées.<br />
L’homophobie est le produit d’une construction<br />
psychique identitaire conflictuelle. Les attaques<br />
contre le genre féminin (car les gays sont assimilés<br />
aux femmes en ce qu’ils représentent des êtres<br />
pénétrés) sont le résultat d’une défaillance ayant<br />
pour origine la peur de l’autre en soi, l’autre étant<br />
le genre ou le sexe opposé à celui dont le soi<br />
considère appartenir. L’homophobie est un acte<br />
d’agression ayant pour finalité de conjurer la peur<br />
du côté féminin de la sexuation. L’homophobie<br />
est ainsi un véritable sentiment d’insécurité<br />
chez l’adolescent sexué garçon. Pour survivre,<br />
il doit sauvegarder les apparences viriles qu’il<br />
pense nécessaires pour se construire une identité<br />
masculine. On peut appeler cela un « préservatif<br />
psychique » qui permet de confiner le masculin et<br />
le féminin dans des frontières de genres rigides.<br />
Le milieu scolaire est un reproducteur de ces fron-<br />
89<br />
tières dont l’exemple type est la pratique du sport<br />
: il a été montré que les enseignants privilégient,<br />
en général, les sports dits masculins pour faire<br />
plaisir aux garçons qui peuvent perturber plus<br />
facilement les cours et ce, de manière à ce que les<br />
équipes soient créées par niveau, les garçons<br />
excluant, de facto, les filles. De cette manière,<br />
l’exclusion de la féminité apparaît comme une<br />
valeur absolue de la violente masculinité homophobe<br />
et sexiste.<br />
Il existe à l’adolescence un doute obsessionnel<br />
sur la puissance virile du corps. L’homophobie<br />
fonctionne tel un mécanisme de réassurance du<br />
narcissisme. Cette faille narcissique aboutit à nier<br />
la personne de l’autre afin de revendiquer sa puissance<br />
virile, notamment par des actes agressifs.<br />
Cette insécurité vient de la bisexualité fondamentale<br />
de l’être humain qui se fait sentir à l’adolescence<br />
avec la plus grande incompréhension et<br />
qui se voit donc réprimée avec la plus grande<br />
fermeté. L’école a donc un rôle à jouer dans l’explication<br />
et l’accompagnement des enfants puis<br />
des adolescents dans la découverte de leur être<br />
sexué. La peur étant un bon inducteur de valorisation<br />
et, par conséquent, de rejet, il est nécessaire<br />
que cette peur ait disparu des institutions<br />
scolaires afin de ne pas la transmettre ou, du<br />
moins, la valider et l’amplifier. Il n’y a de sexualité<br />
que par le langage. Or, l’école devrait être présente<br />
pour donner tous les outils linguistiques<br />
afin d’apaiser cette peur du féminin qui engendre<br />
et le sexisme et l’homophobie.<br />
Sébastien Carpentier<br />
Auteur de Délinquance juvénile et discrimination<br />
sexuelle, Comprendre, prévenir et lutter contre le<br />
sexisme et l’homophobie à l’adolescence, coll.<br />
Humanitas, 2011, Buenos Books International.