25.06.2013 Views

Reichsmarks

Reichsmarks

Reichsmarks

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

un smoking noir et tenait une flûte du champagne Taittinger<br />

qu’il avait apporté. L’eau de Cologne suintait de sa personne<br />

comme s’il en était la source.<br />

Schirach était un homme grand, au corps mou, aux yeux bleu<br />

glacier, dont le beau visage aux traits nordiques semblait être<br />

fait pour être photographié. Il avait vingt-deux ans et était le fils<br />

d’un directeur de théâtre de Weimar qui était mort l’année de sa<br />

naissance, et il avait été élevé par sa mère américaine, laquelle<br />

comptait deux signataires de la Déclaration d’indépendance<br />

parmi ses ancêtres. Il expliqua à Geli qu’il étudiait à présent la<br />

philologie allemande, le folklore et l’histoire de l’art à Munich,<br />

tout en assistant Herr Doktor Ernst Hanfstaengl – on lui avait<br />

interdit l’usage du surnom Putzi – dans son travail de secrétaire<br />

du parti chargé de la presse étrangère. Après avoir jeté un<br />

regard prudent autour de lui, il lui avoua en anglais :<br />

— En fait, nous ne nous entendons pas très bien.<br />

Puis, après une hésitation :<br />

— Ernst dit que vous parlez notre langue maternelle ?<br />

— Je peux un petit peu parler, répondit-elle en anglais. Petit<br />

peu. Je besoin de… critiquer.<br />

— Pratiquer, corrigea Schirach, en gloussant d’une voix aiguë<br />

et en posant doucement sa main libre sur l’avant-bras de la<br />

jeune fille avant de poursuivre en allemand : Pardon de vous<br />

torturer, chérie. Mais vous faisiez de ces grimaces en cherchant<br />

vos mots !<br />

Elle trouvait Schirach sympathique, suave, avec un visage<br />

d’une beauté à couper le souffle, mais trop large de hanches,<br />

boudiné, efféminé, et plein de cette insolence nazie qu’elle<br />

associait à Göring. Il lui raconta qu’il connaissait son oncle<br />

depuis 1925, juste après sa libération de Landsberg am Lech, et<br />

qu’il avait la carte du parti numéro 17251. C’était lui, Schirach,<br />

qui était à l’origine du contrôle des universités par la jeunesse<br />

nazie, et le parti y obtenait maintenant trente-huit pour cent des<br />

votes.<br />

— Encore quelques années et ils voteront tous pour nous.<br />

Avec le krach boursier en Amérique, les économies du continent<br />

européen ne vont pas tarder à s’écrouler. Et l’histoire a prouvé<br />

que notre parti se développe lorsque les conditions financières<br />

224

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!