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Reichsmarks

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cuisine où Angela s’affairait à préparer un dessert autrichien<br />

appelé Kaiserschmarren. Et on envoya Léo à la boulangerie, car<br />

le seul pain qu’ils avaient à la maison était une infâme mixture<br />

d’épluchures de pommes de terre et de sciure de bois.<br />

La chorégraphie familiale fit donc que la nièce d’Hitler resta<br />

seule avec lui dans le salon, à le regarder dans un silence<br />

fasciné, tandis que, assis au bord du vieux fauteuil de son beaufrère,<br />

une tasse et une soucoupe de porcelaine de Dresde tenues<br />

de façon plutôt maniérée, laissant son thé tiédir puis refroidir, il<br />

se lançait dans une diatribe interminable sur la guerre d’usure<br />

que l’Allemagne aurait fini par gagner sans les pacifistes, les<br />

tire-au-flanc et les traîtres qui avaient signé l’armistice.<br />

Elle se dit que ça devait être ça, avoir un père ou un mari.<br />

Avant tout, être affectueuse, le complimenter sur son allure<br />

superbe, lui offrir du pain d’épice ou du strudel, se prélasser<br />

dans un salon bien chauffé, entendre sa voix, et être l’eau<br />

tranquille sur laquelle il fait ricocher ses opinions. Elle essaya<br />

de paraître à l’aise. Elle prit la liberté d’ajuster ses chaussettes et<br />

sa jupe, mais il ne le remarqua pas. À part cela, elle garda les<br />

chevilles croisées, les mains jointes, la tête penchée en signe de<br />

fascination. Lorsqu’elle perdait le fil de ce qu’il disait, elle<br />

souriait avec douceur, et oncle Adolf se sentait encouragé à<br />

continuer son monologue.<br />

Souvent, en Belgique, lui raconta-t-il, ils furent forcés de<br />

s’abriter de tirs d’artillerie nourris pendant des jours et des<br />

jours. Dans des tranchées glacées et dégoulinantes de boue. De<br />

l’eau jusqu’aux genoux. Et c’était un soulagement de charger, en<br />

entendant le premier shrapnel siffler au-dessus de leurs têtes.<br />

En le voyant exploser à la lisière de la forêt, fracassant les arbres<br />

comme de vulgaires fétus de paille.<br />

— Nous observons tout cela avec curiosité, racontait-il. Nous<br />

n’avons aucune notion du danger. Nous avançons en rampant,<br />

et au-dessus de nos têtes on n’entend que des hurlements et des<br />

sifflements. Des débris d’arbres nous entourent. Les obus<br />

explosent et font voler des nuages de pierre, de terre et de sable.<br />

Même les arbres les plus solides sont déracinés. Nous nous<br />

dirigeons vers un ruisseau, et bien qu’il nous offre une certaine<br />

protection, nous ne trouvons qu’une eau verdâtre, fétide et<br />

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