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Reichsmarks

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avait beau ne pas donner l’impression de vouloir s’arrêter de<br />

sitôt, ses auditeurs semblaient cloués à leur siège,<br />

complètement absorbés par ses paroles. Elle avait l’impression<br />

que ces gens s’en prendraient furieusement à elle si elle<br />

bougeait, car il les apaisait à sa façon, les absolvant des<br />

violences de la guerre, justifiant leur fureur et leur rancune,<br />

tenant pour louables leurs émotions les plus mesquines et les<br />

plus honteuses, car la haine, le fanatisme et la cruauté étaient<br />

non seulement bénéfiques, mais nécessaires si la nation aryenne<br />

devait trouver la place qui lui revenait dans le monde. Exaltant<br />

le combat guerrier comme « le père de toutes choses »,<br />

affirmant que mourir sur le champ de bataille était le premier<br />

devoir d’un soldat, insistant sur sa propre implacabilité et sa<br />

brutalité, admettant franchement l’intolérance de son idéologie,<br />

Hitler était moins un politicien qu’un impitoyable prophète de<br />

la colère.<br />

Par la suite, Geli apprit que les dix ou douze pages de notes<br />

sur papier ministre ne contenaient pas plus d’une vingtaine de<br />

mots clés qui lui servaient pour dix ou quinze minutes de<br />

déclamation. La durée de ses discours n’était jamais inférieure à<br />

deux heures, souvent plus proche de trois, et obéissait dans sa<br />

construction aux règles d’une fougueuse symphonie<br />

wagnérienne. Observant son oncle de loin, elle vit qu’il<br />

procédait avec la foule comme avec ses amis, et la déstabilisait<br />

en attaquant d’abord la droite sur son système économique<br />

féodal, sa mesquinerie et ses préjugés de classe, ses peurs<br />

devant l’adversité, puis en vilipendant la gauche pour sa<br />

réflexion superficielle, ses valeurs morales relâchées, son<br />

abandon des grandes traditions germaniques. Sans le dire, il<br />

donnait à ses auditeurs le choix de se ranger à ses idées ou<br />

d’être annihilés par son mépris, et ils se retrouvaient sous son<br />

emprise.<br />

Elle vit que son oncle était capable de quelque chose qu’on<br />

ne peut feindre : il ressentait sincèrement, profondément,<br />

solennellement la douleur, la honte et l’indignation de vivre en<br />

Allemagne dans le premier quart du XX e siècle. Hitler avait le<br />

don de faire sentir à ses auditeurs qu’il s’adressait à chacun<br />

d’eux personnellement, de cœur à cœur, et qu’il était fier d’être<br />

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