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Lire le livre - Bibliothèque

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Contradiction intrinsèque de la musique du deuxième temps (classicisme etromantisme) : el<strong>le</strong> voit sa raison d’être dans la capacité d’exprimer des émotions, maisen même temps el<strong>le</strong> élabore ses ponts, ses codas, ses développements, qui sont pureexigence de la forme, résultat d’un savoir-faire qui n’a rien de personnel, qui s’apprend,et qui peut diffici<strong>le</strong>ment se passer de la routine et des formu<strong>le</strong>s musica<strong>le</strong>s communes(que l’on trouve parfois même chez <strong>le</strong>s plus grands, Mozart ou Beethoven, mais quiabondent chez <strong>le</strong>urs contemporains mineurs). Ainsi l’inspiration et la technique risquentel<strong>le</strong>ssans cesse de se dissocier; une dichotomie est née entre ce qui est spontané etce qui est élaboré; entre ce qui veut exprimer directement une émotion et ce qui est undéveloppement technique de cette même émotion mise en musique; entre <strong>le</strong>s thèmeset <strong>le</strong> remplissage (terme péjoratif autant que tout à fait objectif : car il faut vraiment« remplir », horizonta<strong>le</strong>ment, <strong>le</strong> temps entre des thèmes et, vertica<strong>le</strong>ment, la sonoritéorchestra<strong>le</strong>).On raconte que Moussorgski jouant au piano une symphonie de Schumanns’arrêta avant <strong>le</strong> développement et s’écria : « Ici, c’est la mathématique musica<strong>le</strong> quicommence ! » C’est ce côté calculateur, pédant, savant, scolaire, non-inspiré qui fit direà Debussy que, après Beethoven, <strong>le</strong>s symphonies deviennent des « exercices studieuxet figés » et que la musique de Brahms et cel<strong>le</strong> de Tchaïkovski « se disputent <strong>le</strong>monopo<strong>le</strong> de l’ennui ».Cette dichotomie intrinsèque ne rend pas la musique du classicisme et duromantisme inférieure à cel<strong>le</strong> des autres époques; l’art de toutes <strong>le</strong>s époques comporteses difficultés structurel<strong>le</strong>s; ce sont el<strong>le</strong>s qui invitent l’auteur à chercher des solutionsinédites et mettent ainsi l’évolution de la forme en bran<strong>le</strong>. La musique du deuxièmetemps était d’ail<strong>le</strong>urs consciente de cette difficulté. Beethoven : il a insufflé à la musiqueune intensité expressive jamais connue avant lui et, en même temps, c’est lui quicomme personne d’autre a façonné la technique compositionnel<strong>le</strong> de la sonate : cettedichotomie devait donc lui peser tout particulièrement; pour la surmonter (sans qu’onpuisse dire qu’il ait toujours réussi), il inventa diverses stratégies : par exemp<strong>le</strong>, enimprimant à la matière musica<strong>le</strong> se trouvant au-delà des thèmes, à une gamme, à unarpège, à une transition, à une coda, une expressivité insoupçonnée ; ou bien (parexemp<strong>le</strong>) en donnant un autre sens à la forme des variations qui avant lui n’étaitd’ordinaire que virtuosité technique, virtuosité, en outre, plutôt frivo<strong>le</strong> : comme si onlaissait un seul mannequin défi<strong>le</strong>r sur l’estrade dans différentes robes.Beethoven a érigé cette forme en une grande méditation musica<strong>le</strong> : quel<strong>le</strong>s sont<strong>le</strong>s possibilités mélodiques, rythmiques, harmoniques cachées dans un thème ?jusqu’où peut-on al<strong>le</strong>r dans la transformation sonore d’un thème sans trahir sonessence ? Et, partant, quel<strong>le</strong> est donc cette essence ? En composant ses variations,Beethoven n’a besoin de rien de ce qu’exige la forme sonate, ni de ponts ni dedéveloppements, d’aucun remplissage; pas une seu<strong>le</strong> seconde il ne se trouve endehors de ce qui est pour lui essentiel, en dehors du thème.Il serait intéressant d’examiner toute la musique du XIX e sièc<strong>le</strong> en tant qu’essaiconstant de surmonter sa dichotomie structurel<strong>le</strong>. À ce propos, je pense à ce quej’appel<strong>le</strong>rais la stratégie de Chopin. De même que Tchékhov n’écrit aucun roman, demême Chopin boude la grande composition en composant presque exclusivement desmorceaux rassemblés en recueils (mazurkas, polonaises, nocturnes, etc.). (Quelques

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