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Lire le livre - Bibliothèque

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faire avec la raison extrahumaine de Hegel; el<strong>le</strong> n’est ni décidée d’avance ni identique àl’idée de progrès; el<strong>le</strong> est entièrement humaine, faite par <strong>le</strong>s hommes, par quelqueshommes et, partant, comparab<strong>le</strong> à l’évolution d’un seul artiste qui tantôt agit de façonbana<strong>le</strong>, puis imprévisib<strong>le</strong>, tantôt avec génie, puis sans, et qui souvent rate desoccasions.Je suis en train de faire la déclaration d’adhésion à l’histoire du roman, alors quetous mes romans exha<strong>le</strong>nt l’horreur de l’Histoire, de cette force hosti<strong>le</strong>, inhumaine qui,non invitée, non désirée, envahit de l’extérieur nos vies et <strong>le</strong>s démolit. Pourtant, il n’y arien d’incohérent dans cette doub<strong>le</strong> attitude car l’Histoire de l’humanité et l’histoire duroman sont choses toutes différentes. Si la première n’appartient pas à l’homme, si el<strong>le</strong>s’est imposée à lui comme une force étrangère sur laquel<strong>le</strong> il n’a aucune prise, l’histoiredu roman (de la peinture, de la musique) est née de la liberté de l’homme, de sescréations entièrement personnel<strong>le</strong>s, de ses choix. Le sens de l’histoire d’un art estopposé à celui de l’Histoire tout court. Par son caractère personnel, l’histoire d’un art estune vengeance de l’homme sur l’impersonnalité de l’Histoire de l’humanité.Caractère personnel de l’histoire du roman ? Pour pouvoir former un seul tout aucours des sièc<strong>le</strong>s cette histoire ne doit-el<strong>le</strong> pas être unie par un sens commun,permanent et, donc, nécessairement suprapersonnel ? Non. Je crois que même cesens commun reste toujours personnel, humain, car, pendant la course de l’histoire, <strong>le</strong>concept de tel ou tel art (qu’est-ce que <strong>le</strong> roman ?) ainsi que <strong>le</strong> sens de son évolution(d’où vient-il et où va-t-il ?) sont sans cesse définis et redéfinis par chaque artiste, parichaque nouvel<strong>le</strong> œuvre. Le sens de l’histoire du roman c’est la recherche de ce sens,sa perpétuel<strong>le</strong> création et re-création, qui englobe toujours rétroactivement tout <strong>le</strong> passédu roman : Rabelais n’a certainement jamais appelé son Gargantua-Pantagruel roman.Ce n’était pas un roman; ce l’est devenu au fur et à mesure que <strong>le</strong>s romanciersultérieurs (Sterne, Diderot, Balzac, Flaubert, Vancura, Gombrowicz, Rushdie, Kis,Chamoiseau) s’en sont inspirés, s’en sont ouvertement réclamés, l’intégrant ainsi dansl’histoire du roman, plus, <strong>le</strong> reconnaissant comme la première pierre de cette histoire.Cela dit, <strong>le</strong>s mots « la fin de l’Histoire » n’ont jamais provoqué en moi ni angoisseni déplaisir. « Comme il serait délicieux de l’oublier, cel<strong>le</strong> qui a épuisé la sève de noscourtes vies pour l’asservir à ses inuti<strong>le</strong>s travaux, comme il serait beau d’oublierl’Histoire ! » (La vie est ail<strong>le</strong>urs). Si el<strong>le</strong> doit finir (bien que je ne sache pas imaginer inconcreto cette fin dont aiment par<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s philosophes) qu’el<strong>le</strong> se dépêche ! Mais lamême formu<strong>le</strong>, « la fin de l’histoire », appliquée à l’art me serre <strong>le</strong> cœur; cette fin, je nesais que trop bien l’imaginer car la plus grande partie de la production romanesqued’aujourd’hui est faite de romans hors de l’histoire du roman : confessions romancées,reportages romancés, règ<strong>le</strong>ments de comptes romancés, autobiographies romancées,indiscrétions romancées, dénonciations romancées, <strong>le</strong>çons politiques romancées,agonies du mari romancées, agonies du père romancées, agonies de la mèreromancées, déflorations romancées, accouchements romancés, romans ad infinitum,jusqu’à la fin du temps, qui ne disent rien de nouveau, n’ont aucune ambitionesthétique, n’apportent aucun changement ni à notre compréhension de l’homme ni à laforme romanesque, se ressemb<strong>le</strong>nt l’un l’autre, sont parfaitement consommab<strong>le</strong>s <strong>le</strong>matin, parfaitement jetab<strong>le</strong>s <strong>le</strong> soir.Selon moi, <strong>le</strong>s grandes œuvres ne peuvent naître que dans l’histoire de <strong>le</strong>ur artet en participant à cette histoire. Ce n’est qu’à l’intérieur de l’histoire que l’on peut saisir

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