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106 LA DIFFUSION DE LA DANSE EN FRANCE DE 2011 À 2017 ONDA.FR<br />

Les réponses majoritairement dubitatives des structures sur le<br />

potentiel offert par les créations associant les professionnels et les<br />

amateurs sur le développement des publics de la danse conduisent à<br />

s’interroger sur l’identité des participants et participantes. N’ont-ils/<br />

elles pas déjà une appétence pour les pratiques artistiques ?<br />

Les questionnements sur les outils de médiation<br />

Le développement de propositions participatives est tourné<br />

vers un objectif de plus grande inclusion sociale par des mises<br />

en relation avec l’altérité qui brassent les références musicales<br />

populaires et plus savantes, les codes chorégraphiques, les rituels<br />

folkloriques. Il s’agit ainsi de diversifier les sources de résonances<br />

culturelles intimes et de stimuler auprès des spectateurs et spectatrices<br />

une envie de fredonner les airs connus, de danser avec les<br />

participants et participantes. La reconnaissance de ces spectacles<br />

interactifs comme une œuvre in situ digne d’être soutenue par les<br />

collectivités publiques renvoie à un questionnement en termes de<br />

relativisme culturel. Doit-on les considérer comme des animations<br />

artistiques divertissantes ou comme des recherches esthétiques<br />

hybrides destinées à renouveler les rapports de projection-identification<br />

des publics ?<br />

Le degré de pertinence d’une restitution des résultats des<br />

actions des chorégraphes ou des danseurs auprès de groupes de<br />

participants sous la forme de spectacles en clôture des ateliers<br />

fait aussi l’objet d’interrogations. Il s’agit d’une attente souvent<br />

portée par les équipes des lieux de façon à donner une visibilité<br />

aux actions artistiques qu’elles ont organisées. La durée courte<br />

de certaines interventions est inappropriée pour placer les participants<br />

dans un cadre de construction et d’apprentissage d’une<br />

partition chorégraphique. Cela les place en position de fragilisation<br />

même si le public, constitué essentiellement par des membres<br />

de leur entourage familial, amical ou professionnel, se montre<br />

bienveillant.<br />

“ On a tendance à oublier que la création artistique, c’est long, et<br />

que ça peut être traumatisant de monter sur scène quand on n’est<br />

pas prêt. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 12)<br />

L’implication de personnes non formées en danse dans des<br />

projets chorégraphiques peut s’effectuer par d’autres voies qu’une<br />

finalisation sous la forme d’une représentation scénique. Les pensées<br />

des habitants sur les espaces de leur territoire et les temporalités<br />

de leur vie se concrétisent par des paroles et des images diffusées<br />

dans différents supports écrits, audiovisuels, numériques. Une<br />

exploration artistique sensible de ces pensées consiste à placer les<br />

personnes en situation d’enquête sur les souvenirs marquants de<br />

leurs rapports à des lieux ou de veille méditative sur les espaces et<br />

édifices de leur commune.<br />

“ Une transfiguration artistique de la situation d’observation s’effectue<br />

d’emblée si les personnes sont invitées à adopter une posture<br />

d’immobilité face au spectacle de la ville en prenant des photos . ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 20).<br />

Les matériaux collectés au cours de ces expériences se concrétisent<br />

par des récits sur leur expérience, des photographies, des films<br />

sur les rapports des personnes aux espaces et aux mouvements.<br />

La construction puis la lecture d’un texte commun, le montage et<br />

la projection de films sur ces expériences réflexives et sensibles,<br />

encadrées par des chorégraphes, constituent ainsi des formes de<br />

restitution alternatives si le temps disponible, l’envie du groupe<br />

ou l’orientation du projet d’action artistique écartent la faisabilité<br />

d’une création de spectacle.<br />

“ Je propose maintenant de passer par la vidéo ou la photo ; cela<br />

place les personnes dans une situation moins angoissante pour le<br />

rendu et ça laisse plus de place à la transmission, à la rencontre. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 12)<br />

La question de la valorisation institutionnelle de ces formes<br />

atypiques, relayée par les artistes associé∙es des CCN et des CDCN 79 ,<br />

porte sur leur reconnaissance comme faisant partie des dispositifs<br />

légitimes pour l’éducation artistique et culturelle. Ce questionnement<br />

est partagé par des structures.<br />

L’évaluation des dispositifs d’action culturelle par les collectivités<br />

publiques s’effectue essentiellement par une approche<br />

quantitative qui recense les volumes horaires dispensés et le nombre<br />

de participants. Une question posée de façon assez récurrente par<br />

des chorégraphes est la prise en compte complémentaire d’une évaluation<br />

qualitative de ces actions, en concertation avec les équipes<br />

des lieux, sur les transformations comportementales des personnes<br />

bénéficiaires, au moins à court terme. Il s’agirait de préciser les<br />

objectifs fixés à l’éducation artistique et culturelle par chacune<br />

des parties prenantes afin de clarifier la conduite des projets sur<br />

la base d’un objectif commun accepté par les financeurs, les opérateurs<br />

culturels, les équipes artistiques et les relais. Une prise en<br />

compte des récits d’expérience des chorégraphes, des personnes en<br />

charge des relations avec les publics et des responsables des groupes<br />

impliqués permettrait d’apporter des éclairages susceptibles de valoriser<br />

les dimensions artistiques de l’encadrement, les innovations<br />

pédagogiques, et d’ajuster la conduite des actions en fonction des<br />

objectifs fixés en termes d’acquisition de compétences personnelles<br />

et/ou d’éveil d’un désir de fréquenter les spectacles programmés. À<br />

ressources budgétaires et humaines équivalentes, cela requiert un<br />

redéploiement de la charge de travail entre la conception, la conduite<br />

et l’évaluation des dispositifs d’action expérimentés.<br />

Il serait utile de mener des enquêtes longitudinales sur l’évolution<br />

comportementale des personnes qui ont suivi ces dispositifs<br />

d’action chorégraphique, notamment sur leurs choix de spectacles<br />

dans ou en dehors de la structure organisatrice mais aussi sur les<br />

compétences acquises.<br />

“ Mesure-t-on les effets de l’action culturelle uniquement par l’autonomie<br />

du spectateur, c’est-à-dire sa capacité à prendre tout seul un<br />

billet de théâtre lorsqu’il n’est plus en projet avec le théâtre ? Ou bien<br />

est-ce que ça se mesure également en termes de réussite scolaire, en<br />

termes d’évolution de son rapport aux autres en règle générale, de<br />

confiance en lui dans le cadre scolaire ou en dehors du cadre scolaire ?<br />

C’est tout ça qu’il faudrait mesurer si on veut connaître véritablement<br />

les effets de l’action culturelle. C’est un travail sociologique profond<br />

à faire. Je trouve inquiétant qu’on n’évalue pas. ”<br />

(Directeur, structure dédiée 21)<br />

79. Compte rendu de la réunion du comité de suivi des artistes associé∙e∙s aux CCNs et aux CDCNs, 18 septembre 2018.

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