Onda_etudedanse_complet
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LA MISE EN RELATION DES COMPAGNIES ET DES STRUCTURES DE DIFFUSION<br />
59<br />
réponses des compagnies à la question ouverte dans le questionnaire<br />
en ligne sur les périodes de diffusion qui paraissent avoir le plus<br />
d’effets sur la diffusion ultérieure convergent dans le même sens<br />
en signalant l’automne et l’hiver.<br />
En réponse à la question ouverte dans le questionnaire sur les<br />
lieux de diffusion qui ont eu un effet significatif sur la diffusion<br />
ultérieure, les réponses des équipes chorégraphiques ont convergé<br />
sur les lieux réputés dédiés à la danse, les grands festivals, les salles<br />
parisiennes, parfois les instituts français à l’étranger. Cependant,<br />
quatre compagnies (28, 43, 103 et 110) n’en ont signalé aucun.<br />
Enfin, le pari de vouloir gagner en visibilité professionnelle en<br />
jouant des pièces dans de petites scènes à Paris ou dans le Off d’Avignon<br />
sur la base de contrats de coréalisation ou de location engage un<br />
coût important sans garantir un succès puisque la densité des spectacles<br />
programmés sur les mêmes créneaux horaires est élevée. La<br />
circulation rapide des opinions sur l’intérêt esthétique du spectacle<br />
amplifie les flux de fréquentation des programmateurs, incités à se<br />
concentrer sur les spectacles appréciés positivement par leurs pairs.<br />
Les enjeux de la diffusion internationale<br />
La diffusion internationale des spectacles des compagnies se<br />
heurte à des obstacles en termes de coût des productions et de frais<br />
de déplacement en rapport notamment avec le pouvoir d’achat des<br />
établissements culturels étrangers, le plus souvent beaucoup moins<br />
subventionnés qu’en France. La méconnaissance des circuits de<br />
diffusion internationaux requiert a priori l’emploi d’agents spécialisés<br />
sur certaines zones géographiques pour amorcer une diffusion<br />
dans certaines structures. Leurs commissions sur le chiffre d’affaires<br />
alourdissent le coût de ces tournées.<br />
“ Et en fait, pour notre tournée aux États-Unis, on a pris un agent sur<br />
place. Ça nous a ouvert 10 dates. Donc, oui c’est important. Ça nous<br />
a coûté cher, on ne peut pas dire que cette tournée nous a rapporté<br />
de l’argent. ”<br />
(Administrateur, compagnie avec lieu 4)<br />
Leur efficacité dépend de l’entretien de leurs relations avec<br />
les directions des établissements culturels des pays concernés,<br />
qui peuvent être sensibles aux fluctuations du climat politique<br />
national (comme en Chine). De plus, un travail de veille doit être<br />
effectué sur les réglementations fiscales et sociales en usage dans<br />
les pays ciblés, qui ne sont pas toutes aisément accessibles. Par<br />
exemple, le montant des taxes nationales sur les contrats de cession<br />
affaiblit le montant des recettes nettes par rapport au budget<br />
initial. La construction de relations de partenariat requiert de longues<br />
négociations parfois pluriannuelles (comme au Brésil pour la<br />
compagnie 17), marquées par des modulations de rythmes quand<br />
une opportunité se débloque avec un délai de mise en route de la<br />
tournée court, pas forcément compatible avec les délais d’acheminement<br />
du décor du spectacle.<br />
Une mobilisation de la compagnie pour amorcer une diffusion<br />
internationale suppose donc un effort budgétaire qui se révèle souvent<br />
supérieur aux revenus obtenus, au moins dans un premier<br />
temps. En effet, les prix de cession sont souvent négociés au-dessous<br />
du coût du plateau pour s’ajuster au consentement à payer<br />
des structures approchées pour l’accueil des premières séries de<br />
représentations ou le forfait pour les frais de transport et d’hébergement<br />
est fixé à un niveau insuffisant pour couvrir l’intégralité<br />
des frais de mission.<br />
“ Là où c’est plus compliqué, aujourd’hui, c’est l’international parce<br />
que ça demande du temps de travail, une économie, et nous, on refuse<br />
de partir si on n’équilibre pas. Si on n’a pas de marge, bon ok on peut<br />
mettre une croix dessus ; aux États-Unis on sait qu’on sera en déficit<br />
mais c’est nécessaire parce qu’on construit quelque chose. Là où on<br />
développe un nouveau marché, c’est la Chine. La première tournée,<br />
on était tout juste à l’équilibre. ”<br />
(Directeur délégué, compagnie avec lieu 5)<br />
Les frais de voyage ne sont parfois même pas pris en charge par<br />
les organisateurs locaux de spectacles (comme en Chine, compagnie<br />
avec lieu 5). Comme l’a signalé la compagnie 14, les membres de<br />
l’équipe chorégraphique peuvent consentir à des baisses de salaires<br />
afin de s’ajuster aux revenus de la tournée. Cette situation de fragilité<br />
économique se poursuit tant que la renommée de la compagnie ne<br />
s’est pas amplifiée dans les pays étrangers ciblés.<br />
Les temps de transport des décors des pièces chorégraphiques<br />
exportées sont susceptibles d’entraver le potentiel de circulation<br />
des autres spectacles en immobilisant des équipes sur des durées<br />
importantes.<br />
“ Objectivement, quand j’envoie mon décor au Japon, je perds 6<br />
semaines à l’aller et 6 semaines au retour. C’est trois mois pour gagner<br />
cinq ou six représentations. Sur une programmation estivale, ce n’est<br />
pas très grave car on est une compagnie de saison. Les théâtres<br />
s’arrêtent de programmer début juin, on peut être sur les routes pour<br />
le Japon. Il y a des dates, aussi prestigieuses soient-elles, que je vais<br />
refuser car je perds trop de dates ici. ”<br />
(Directeur délégué, compagnie 7)<br />
L’objectif d’organiser des tournées internationales pour des spectacles<br />
de grand format contraint ainsi les compagnies à doubler les<br />
équipes techniques, les costumes et les scénographies si le budget<br />
de la compagnie le permet.<br />
Un déficit budgétaire à l’issue d’une tournée internationale<br />
est donc plutôt assuré lors des premières entrées dans les circuits<br />
étrangers de distribution des spectacles et peut se poursuivre tant<br />
que la compagnie n’a pas encore développé une notoriété locale.<br />
Les avantages attendus en compensation de cette fragilisation<br />
économique portent sur la consolidation de la réputation. En effet, il<br />
est probable que la demande étrangère porte plutôt sur des équipes<br />
déjà repérées à l’échelle nationale. La capacité au rayonnement<br />
international des compagnies sert alors à renforcer le soutien des<br />
collectivités publiques, attentives aux retombées symboliques pour<br />
leur territoire, et des programmateurs et programmatrices qui y<br />
voient la confirmation des qualités de la démarche artistique.<br />
“ On s’est très vite aperçu aussi qu’à partir du moment où tu vas<br />
jouer à l’étranger c’est de la notoriété, c’est du rayonnement. Les<br />
théâtres français en sont friands, mais aussi tout bêtement les politiques,<br />
notamment la Ville. Elle est toute heureuse d’annoncer que<br />
la compagnie qu’elle soutient fait 40 dates à l’étranger. On est dans<br />
une espèce de marketing territorial. ”<br />
(Responsable de la production et de la diffusion, compagnie 8)<br />
À une échelle macro-politique, le rayonnement international<br />
des équipes artistiques contribue à diffuser une image culturelle<br />
positive de la France, ce qui peut justifier un soutien public afin de<br />
conforter cette source de soft power.