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78 LA DIFFUSION DE LA DANSE EN FRANCE DE 2011 À 2017 ONDA.FR<br />

Les projections négatives sur la danse contemporaine<br />

Des préjugés sur la complexité prêtée à la danse contemporaine,<br />

notamment pour des démarches conceptuelles, constituent des obstacles<br />

à la fréquentation. Les révoltes des amateurs de « la danse qui<br />

danse » contre la « non-danse » résultent de la perception d’attitudes<br />

provocantes de la part des interprètes ou d’un décontenancement<br />

par rapport à des attentes de dynamisme gestuel et rythmique. Cela<br />

a pu se manifester dans certains cas par des départs plus ou moins<br />

massifs des salles de spectacles et parfois même par des tentatives<br />

d’incursion dansée de spectateurs ou spectatrices sur le plateau<br />

pour saboter la représentation.<br />

L’intériorisation de ces préjugés sur la danse contemporaine<br />

par des directions de structures les éloigne d’un intérêt pour une<br />

programmation de danse contemporaine, supposée trop compliquée<br />

pour leurs publics. Le manque de culture chorégraphique de<br />

certain∙es responsables d’établissements pluridisciplinaires a été<br />

ainsi pointé par plusieurs responsables de compagnies dans les<br />

entretiens, mais aussi par des directions de structures plus engagées<br />

dans la diffusion de la danse.<br />

“On s’est dit entre certains programmateurs [spécialistes] de danse<br />

qu’il faudrait faire une formation auprès des programmateurs. Mais<br />

on l’a proposée à la suite de la réunion du réseau. On faisait un atelier<br />

danse, juste « qu’est-ce que c’est ? » pour les programmateurs. Ils<br />

n’étaient pas là ! On s’est retrouvé juste avec du public. Pour ne pas<br />

leur faire peur, on ne leur avait pas dit que c’était juste pour eux.”<br />

(Directrice, structure pluridisciplinaire 19)<br />

Les préjugés répandus sur la complexité de la danse contemporaine<br />

incitent certains programmateurs à éviter de se référencer<br />

à cette catégorie, en employant une autre terminologie.<br />

“Je dirais que c’est tout de la danse d’aujourd’hui pour des spectateurs<br />

d’aujourd’hui. […] Ce terme de danse contemporaine a fait fuir tant<br />

de publics […]. Moi, je parlerais de danse d’aujourd’hui. C’est quoi le<br />

mouvement aujourd’hui, ce n’est pas de savoir si c’est du hip-hop, du<br />

baroque, du néo-classique. Les grandes questions c’est plutôt quel est<br />

l’apport du cirque, du théâtre, de la musique ; le croisement danse/<br />

musique m’intéresse particulièrement.”<br />

(Directeur, structure pluridisciplinaire 8)<br />

L’absence d’offre chorégraphique antérieure sur un territoire<br />

constitue aussi un obstacle pour utiliser le terme de danse contemporaine<br />

afin de caractériser les spectacles programmés.<br />

“On part avec tous les handicaps possibles, on est dans une ville où il<br />

n’y a pas de théâtre donc pas de programmation, donc pas de rapport<br />

au public et avec un mot de danse contemporaine qui fait peur.”<br />

(Directeur, structure dédiée 9)<br />

Communiquer sur la catégorie de la danse contemporaine pour<br />

promouvoir le spectacle d’un chorégraphe ou une chorégraphe<br />

très connue au lieu de se focaliser sur la renommée peut se révéler<br />

contre-productif.<br />

“Le nom de X est suffisamment connu pour dépasser la nécessité de le<br />

définir. Mais on a pu observer que les théâtres le font sur les plaquettes ;<br />

ils mettent des catégories, mais quand ils mettent danse, ça vend moins !<br />

Quand la ville nous programme, elle soumet le BAT avec danse, je dis<br />

ne mettez rien ! Ils ont voulu le faire [indiquer danse contemporaine]<br />

mais ils ont moins vendu que la dernière fois où on avait joué.”<br />

(Directeur délégué, compagnie 7)<br />

La pluralité des identités culturelles sur le territoire<br />

Les choix de programmation dans la conduite du projet artistique<br />

et culturel des structures sont nécessairement pensés en lien avec<br />

la diversité des cultures spécifiques de la population. Leur prise en<br />

compte est nécessaire pour construire des opportunités de diffusion<br />

de la culture chorégraphique.<br />

La notion de droits culturels a été explicitée dans la déclaration<br />

de Fribourg, publiée en 2007, à la suite des conventions de<br />

l’Unesco sur la diversité culturelle en 2001 et sur la protection et la<br />

promotion de la diversité des expressions culturelles en 2005. Huit<br />

droits culturels sont identifiés : choisir et respecter son identité<br />

culturelle ; connaître et voir respecter sa propre culture, ainsi que<br />

d’autres cultures ; accéder aux patrimoines culturels ; se référer,<br />

ou non, à une ou plusieurs communautés culturelles ; participer<br />

à la vie culturelle ; s’éduquer et se former, éduquer et former dans<br />

le respect des identités culturelles ; participer à une information<br />

adéquate (s’informer et informer) ; participer au développement<br />

de coopérations culturelles.<br />

Le principe du respect des droits culturels a été inscrit dans<br />

l’article 105 de la loi NOTRe en 2015 et dans l’article 3 de la loi<br />

relative à la Liberté de la Création, à l'Architecture et au Patrimoine<br />

(LCAP) en 2016. Tout en pratiquant une politique d’offre artistique<br />

exigeante, qui justifie le versement de subventions publiques, les<br />

structures de diffusion doivent ainsi prendre plus en considération<br />

la diversité culturelle de la population sur leur territoire pour<br />

construire des passerelles entre la culture chorégraphique et les<br />

grilles de références des différentes communautés culturelles. Ces<br />

nouveaux dispositifs législatifs tendent à mieux légitimer institutionnellement<br />

les positionnements de structures impliquées dans la<br />

conduite de « projets situés » sur leur territoire et une réflexion sur<br />

l’« empreinte civique » locale de leurs activités artistiques.<br />

“Notre responsabilité est de bien connaître la scène contemporaine, […],<br />

et de la même manière on connaît le contexte dans lequel on œuvre,<br />

c’est-à-dire ce qu'est la population, l’urbanisme, la situation économique,<br />

les endroits de formation, les centres sociaux. […]. Nous, notre<br />

responsabilité est cet endroit-là du trait d’union, de la liaison entre des<br />

propositions esthétiques et des situations économiques, sociologiques,<br />

urbanistiques, architecturales, démographiques, sociales.”<br />

(Directeur, structure pluridisciplinaire 18)<br />

La composition sociodémographique des quartiers populaires<br />

tend à tenir cette population plus éloignée des lieux de spectacle<br />

vivant, d'autant plus si leur habitat est excentré. Dans un contexte de<br />

surreprésentation des enfants de cadres et professions intellectuelles<br />

supérieures parmi les artistes 58 , se pose la question des dispositifs<br />

spécifiques d’accompagnement des jeunes gens issus de la diversité<br />

culturelle, sociale et géographique dans la préparation des écoles<br />

58. La part des artistes de spectacle dont le père est cadre a été de 47% en 2011 contre 25% pour l’ensemble de la population active occupée (Marie Gouyon, Frédérique<br />

Patureau, « Vingt ans d’évolution dans l’emploi des professions culturelles. 1991-2011 », Cultures Chiffres n°2014-6, p. 5).

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