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98 LA DIFFUSION DE LA DANSE EN FRANCE DE 2011 À 2017 ONDA.FR<br />

“ Par exemple ce projet-là pour travailler avec le collège, le rectorat,<br />

les différents intervenants, ça a été en termes de coordination très<br />

compliqué, 200 heures de mise en place du projet. On a fait leur<br />

travail, c’est-à-dire qu’on éduquait les proviseurs, etc., avec des symboles<br />

pour leur faire comprendre comment on travaillait. Il y a un<br />

cloisonnement des pratiques. Il nous a fallu comprendre comment<br />

ils travaillent, identifier les zones de frictions, de rupture, comment<br />

on va essayer de solutionner tout ça. C’est hyper intéressant, mais<br />

par moment c’est un peu frustrant. ”<br />

(Administrateur, compagnie avec lieu 18)<br />

Souvent, la formation artistique des interprètes n’aborde pas<br />

la prise en charge des « publics empêchés », ce qui peut constituer<br />

un obstacle au rapprochement entre les compagnies et les structures<br />

qui le prennent en charge (hôpitaux, prisons, établissements<br />

spécialisés…).<br />

“ À titre d’exemple, on avait été contactés par l’Institut X qui s’occupe<br />

de personnes en phase terminale. On a discuté avec eux, on est allé<br />

assez loin mais on s’est rendu compte que, nous, nos intervenants<br />

artistiques ils ne sont pas formés pour. On avait aussi pris contact<br />

avec la prison de Y et pareil. Après ça dépend aussi des directions.<br />

Le directeur qui était super cool est parti, donc le projet est un peu<br />

tombé. ”<br />

(Administrateur, compagnie avec lieu 5)<br />

Même si un accord inter-organisationnel a été approuvé par les<br />

directions des deux structures, l’implication du personnel peut faire<br />

défaut par rapport à l’accomplissement des tâches quotidiennes<br />

et la communication interne minorer la prise en compte des interventions<br />

artistiques.<br />

Toute dynamique de groupe nouvellement constitué connaît<br />

une première phase de tension pendant la période nécessaire à<br />

l’appropriation des objectifs d’action des intervenant∙es par les participant∙es.<br />

Les écarts entre les références culturelles des artistes et les<br />

visions du monde des personnes qui participent au groupe suscitent<br />

des conflits interculturels qui doivent être dépassés pour passer à<br />

une phase de maturation du projet lorsque les parties prenantes<br />

entrent dans une collaboration constructive. Les crispations initiales<br />

sont d’autant plus vives si des personnes se sentent contraintes de<br />

participer à l’activité sans l’avoir librement choisie. Plusieurs entretiens<br />

ont signalé des difficultés sérieuses avec certaines classes de<br />

collège même si les pratiques de la danse réussissent finalement à<br />

délier les corps des adolescents et adolescentes.<br />

“ C’est plus avec les jeunes ados que c’est compliqué. Là, on sort d’une<br />

période où c’était horrible avec les 6 èmes . Ce qui fait qu’on continue,<br />

c’est que, nous, on prend plaisir et on a une vraie sensation d’être<br />

utile à ce moment-là. Parce que tu vois vraiment l’effet de ces trucs-là<br />

sur les corps. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 15)<br />

“ Les projets dans les collèges dans le département X, c’est un peu<br />

violent ; ce sont des élèves turbulents donc c’est une action pas facile.<br />

(Directeur, structure dédiée 3) 68<br />

De même, en milieu scolaire, un désengagement de l’enseignant∙e<br />

de la classe ou une rivalité de pouvoir dans la conception<br />

et la conduite du projet nuisent à la formation d’une dynamique<br />

de groupe constructive avec les élèves. L’entente pédagogique entre<br />

l’artiste et l’enseignant∙e sur les actions à mener et la distribution<br />

des rôles pour encadrer le groupe est une condition de réussite.<br />

Les qualités pédagogiques des danseurs et danseuses sont ainsi<br />

mises à l’épreuve pour dépasser ces phases de conflictualité et amener<br />

les participants et participantes à s’impliquer dans le projet<br />

proposé. Ces compétences ne sont pas acquises par tous les artistes<br />

interprètes. Un suivi par une personne en charge de la coordination<br />

des actions artistiques au sein de la compagnie peut aider à éviter<br />

la formation de points de tension ou les dépasser.<br />

“ On est vraiment très présents avec les intervenants, on va voir les<br />

rendus, et on appelle aussi les directeurs en cours de route pour savoir<br />

comment ça se passe. Il peut y avoir des réunions, on ne laisse pas une<br />

personne comme ça dans la nature. Et en fin de parcours, quand c’est<br />

avec des théâtres il y a forcément une réunion après, un bilan quand<br />

ce sont des écoles. La personne avec qui on travaille fait beaucoup<br />

de choses, appelle, fait un bilan avec les personnes concernées. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 1)<br />

La valorisation du travail artistique<br />

Le financement de nombreux dispositifs d’action culturelle<br />

repose sur la captation de subventions fléchées pour les politiques<br />

éducatives ou d’intégration sociale dans les politiques de la ville,<br />

ainsi que les projets d’éducation artistique et culturelle des collectivités<br />

territoriales et de l’État. La volonté de densifier des actions<br />

artistiques sur le territoire, en conformité avec l’objectif central du<br />

projet de démocratisation culturelle, requiert ainsi un temps de<br />

travail administratif accru pour constituer les dossiers de demande<br />

d’aides publiques, après avoir négocié un accord de partenariat avec<br />

la structure relais, et les évaluations des actions menées sous un<br />

angle essentiellement quantitatif. Le développement de ces dispositifs<br />

augmente donc le travail de bureau des directions de structures<br />

ou des compagnies, notamment au détriment de leur disponibilité<br />

pour la veille artistique.<br />

Le consentement à payer pour le travail d’encadrement fourni<br />

par les artistes et les opérateurs culturels dépend du degré de reconnaissance<br />

des qualités artistiques des activités proposées et aussi<br />

du temps préparatoire pour organiser une mise en place d’un partenariat<br />

équilibré entre des personnes aux références culturelles<br />

éloignées.<br />

“ Pour créer et mettre en place un langage commun avec des gens<br />

qui ne sont pas forcément sensibilisés au jargon de la culture, […]<br />

ce temps il faut le rémunérer. Et c’est ce qui est le moins évident,<br />

en tout cas le moins facile à faire appréhender aux financeurs. En<br />

disant si on veut que ça marche, avant de venir parachuter un projet<br />

artistique qui vient d’opérateurs culturels, il faut absolument qu’il<br />

y ait ce temps de rencontre pour que ça puisse se faire dans des<br />

conditions correctes et partagées. ”<br />

(Directeur, structure pluridisciplinaire 13)<br />

68. Voir aussi le témoignage d’un chorégraphe cité par Patrick Germain-Thomas, « Que fait la danse à l’école ? Enquête au coeur d’une utopie possible », Toulouse,<br />

L’Attribut, 2016, p. 102.

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