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54 LA DIFFUSION DE LA DANSE EN FRANCE DE 2011 À 2017 ONDA.FR<br />
“ Avant, j’envoyais un mail : on est en train de monter un projet, on a<br />
besoin de partenaires et la tournée se faisait toute seule. J’envoyais<br />
un seul mail. Maintenant c’est plus dur et plus chronophage, dû aux<br />
changements de direction. Je rame et notre situation paraît très<br />
enviable en comparaison avec beaucoup de nouveaux directeurs qui<br />
n’ont pas le même rapport à l’économie. Les gens qui reprennent les<br />
lieux les reprennent avec moins d’argent. Ils ont vendu qu’ils allaient<br />
faire un nouveau modèle, mais il n’y a pas un nouveau modèle ; le<br />
nouveau modèle c’est de moins financer les créations. Du coup, notre<br />
compagnie, ça paraît démesuré d’aller mettre de l’argent. ”<br />
(Directeur délégué, compagnie 7)<br />
Le montage de spectacles facilement accessibles rencontre néanmoins<br />
l’intérêt de certains programmateurs plus enclins à prendre<br />
en compte l’appréciation majoritaire de leurs spectateurs dans la<br />
construction de leurs choix.<br />
“ Et là où nous on a peut-être une toute petite force est que certains<br />
programmateurs nous ont dit : ce qui était bien en nous programmant,<br />
c’est qu’on était accessible à tous et que c’était à la fois de la danse et<br />
en même temps […] presque quelque chose de cinématographique. ”<br />
(Codirecteur, compagnie 1)<br />
La programmation de la "danse conceptuelle" se heurte à des<br />
réticences des programmateurs et programmatrices des structures<br />
de diffusion qui préfèrent des spectacles plus facilement accessibles.<br />
“ Ça fait très longtemps que je n’ai pas rencontré de programmateurs.<br />
Ils sont très peu aujourd’hui à s’intéresser à la danse et au geste -<br />
j’exagère un peu. Pas assez de danse, trop immobile, trop conceptuel,<br />
trop cérébral, étrange, inquiétant : ils font des raccourcis et mettent<br />
du cliché. Ceux qui définissent le travail, ce sont les chercheurs, les<br />
collaborateurs et le public ! C’est-à-dire ceux qui le voient et pas ceux<br />
qui s’occupent de savoir ce que ça va leur apporter. ”<br />
(Chorégraphe, compagnie 13)<br />
Les positionnements artistiques dissidents marqués par un rejet<br />
des modes chorégraphiques compliquent le travail de diffusion<br />
auprès des institutions labellisées.<br />
“ Tout ce qui est X, Y, ce sont des gens avec qui on est très en contact<br />
mais qui pour l’instant ne nous ont pas choisis. Je n’ai jamais rien fait<br />
au X en-dehors d’une ou deux choses et demi mais qui correspondaient<br />
plutôt à des entrées parallèles. Je ne corresponds ni à la tendance, ni<br />
à une idée plus institutionnelle, parce que j’ai choisi de travailler sur<br />
des objets plastiques. ”<br />
(Chorégraphe, compagnie 3)<br />
Les parti-pris esthétiques des chorégraphes induisent ainsi les<br />
conditions et obstacles d’accès aux différents réseaux de structures<br />
de diffusion. Des arbitrages sont à mener entre les envies artistiques<br />
des chorégraphes qui découlent de leur positionnement esthétique<br />
global et l’anticipation des tournées selon la complexité du projet<br />
de spectacle et de son format.<br />
“ Là où on en est aujourd’hui qu’est-ce qu’il serait bon de proposer<br />
comme spectacle ? Si je suis dans une forme consensuelle, je sais<br />
que ça va tourner. Il y a des formes, je sais que ça va tourner un peu<br />
plus en fonction de ce que tu vas aborder, le nombre d’interprètes au<br />
plateau. Et d’autres qui seront peut-être plus sensibles, plus délicates,<br />
plus difficiles pour les programmateurs. Mais parfois j’ai une envie<br />
artistique, je la ferai quoi qu’il en soit. ”<br />
(Chorégraphe, compagnie avec lieu 18)<br />
Les missions d’administration et de prospection :<br />
internalisation ou externalisation ?<br />
Le développement des compagnies repose sur la reconnaissance<br />
de spectacles qui ont marqué les programmateurs et programmatrices<br />
par leur originalité et leur force esthétique. La création de ces<br />
spectacles suppose une articulation entre le travail de recherche<br />
artistique des chorégraphes et la prospection de ressources de financement,<br />
d’opportunités de diffusion. La polyvalence fonctionnelle<br />
contrainte des chorégraphes en début de carrière est une source de<br />
dispersion énergétique au détriment de leur efficacité pour développer<br />
leur travail esthétique. La formation d’une relation d’écoute<br />
équilibrée entre une direction artistique individuelle ou collective<br />
et une personne ayant des compétences pour prendre en charge<br />
la responsabilité des missions d’administration et de financement<br />
constitue ainsi une étape décisive.<br />
En réponse à la question sur les modes de prise en charge de la<br />
diffusion par la compagnie, 92,5 % des équipes ont indiqué un choix<br />
d’internalisation. Les compagnies prenant en charge leur diffusion<br />
ont ensuite précisé l’organisation de ce travail sous la forme d’un<br />
poste dédié, de l’intégration de ces tâches dans un poste multifonctionnel,<br />
de la participation du/de la chorégraphe.<br />
Dédier un poste à la fonction de diffusion a concerné 29 % des<br />
équipes chorégraphiques 36 . Cela a été le cas de presque la moitié des<br />
compagnies au plus haut niveau de diffusion (plus de 33 représentations<br />
par an). On observe aussi une corrélation significativement<br />
positive entre le niveau annuel moyen de la diffusion et la part des<br />
équipes ayant déclaré l’intégration de cette fonction dans un poste<br />
transversal comme celui d’un administrateur. La prise en charge de<br />
la diffusion par un poste dédié ou un poste administratif transversal<br />
dans la compagnie, en déchargeant partiellement les chorégraphes<br />
de ce travail, accompagne ainsi l’extension du nombre de ses représentations<br />
chorégraphiques.<br />
Répartition des compagnies selon la prise en charge de la<br />
diffusion par un poste dédié en fonction de leur niveau annuel<br />
moyen de diffusion en % (2014-2016)<br />
Poste dédié<br />
Moins de<br />
13 repr.<br />
de 13 à<br />
33 repr.<br />
plus de<br />
33 repr.<br />
TOTAL<br />
Oui 19,4 17,6 48,6 29<br />
Non 80,6 82,4 51,4 71<br />
TOTAL 100 100 100 100<br />
36. 63 % des répondants ont mis en avant un poste multifonctionnel et 46 % la prise en charge par les chorégraphes. Comme l’addition des pourcentages dépasse largement<br />
les 100 %, cela indique une double intervention du personnel administratif et des chorégraphes dans un nombre significatif de cas.