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LA MISE EN RELATION DES COMPAGNIES ET DES STRUCTURES DE DIFFUSION<br />

53<br />

En conclusion de cette sous-partie, les critères subjectifs d’appréciation<br />

des spectacles sont complétés dans les choix de programmation par<br />

la prise en compte de critères plus objectivés, fondés sur les contraintes<br />

budgétaires, matérielles, politiques locales des structures et la recherche<br />

d’un équilibrage entre les familles esthétiques, la composition sexuée<br />

des directions artistiques, le degré de complexité et la renommée des<br />

spectacles.<br />

Les rapports de concurrence des structures de diffusion en fonction<br />

de leur niveau de réputation sont complétés par de nécessaires liens de<br />

coopération avec des établissements culturels ou festivals du territoire<br />

mais aussi des lieux non dédiés au spectacle vivant, notamment en<br />

lien avec des relais dans les domaines social, scolaire ou patrimonial.<br />

Une pression systémique s’exerce sur les compagnies pour créer de<br />

nouveaux spectacles afin de maintenir leur visibilité professionnelle<br />

et tenter de capter le soutien de structures pour leur coproduction, le<br />

plus souvent liée aux premières séries de représentations, ainsi que<br />

leur programmation ultérieure.<br />

LES STRATÉGIES DES COMPAGNIES<br />

Les compagnies s’appuient sur un projet d’entreprise construit<br />

en fonction de leurs nécessités artistiques et du choix d’un territoire<br />

d’implantation qui oriente les activités de formation professionnelle<br />

ou de sensibilisation artistique. Les réponses au questionnaire ont<br />

confirmé une corrélation significativement positive entre le niveau du<br />

budget, l’ancienneté de la compagnie et le nombre de représentations<br />

chorégraphiques. Le développement des équipes artistiques est ainsi<br />

conditionné par leur capacité à étendre leur réseau de diffusion.<br />

La reconnaissance de l’originalité des spécificités esthétiques et<br />

d’une réflexion dramaturgique pertinente constitue un enjeu important<br />

pour construire une identité qui permette de se positionner dans des<br />

circuits de production et de distribution devenus plus concurrentiels.<br />

Les choix effectués par les équipes chorégraphiques en termes<br />

d’organisation du travail pour tenter de capter des opportunités de<br />

production et de diffusion des spectacles seront d’abord questionnés.<br />

La mise en visibilité des créations constitue un enjeu majeur pour le<br />

devenir de la diffusion et l’évolution de la réputation professionnelle<br />

des compagnies. Enfin, la recherche de lieux pour créer les spectacles<br />

est vitale et passe notamment par la quête de résidences dans les établissements<br />

culturels.<br />

1. L’organisation du travail des compagnies<br />

L’évolution du positionnement artistique des compagnies est<br />

tributaire de la perception positive ou négative de la démarche des<br />

chorégraphes par les programmateurs et programmatrices, ce qui<br />

influence le niveau des recettes d’activité et donc les capacités organisationnelles.<br />

L’organisation du travail administratif de prospection<br />

des opportunités de coproduction et de diffusion engage des choix en<br />

termes d’internalisation des missions au sein de l’équipe artistique ou de<br />

leur externalisation auprès de bureaux d’accompagnement. Les outils<br />

de communication utilisés pour la diffusion auprès des professionnels<br />

ont été interrogés dans les entretiens et le questionnaire en ligne.<br />

Le positionnement artistique : quels enjeux organisationnels ?<br />

Les entretiens ont dégagé plusieurs sources principales d’obstacles<br />

à la programmation, liés aux perceptions contrastées du positionnement<br />

artistique des compagnies et à son évolution.<br />

Deux compagnies qui se situent entre la danse et les arts de la rue,<br />

ou les arts du cirque, ont relevé un problème d’identification pour les<br />

réseaux de diffusion qui ont tendance à se spécialiser dans un domaine<br />

artistique spécifique. La relative indétermination pour situer le travail<br />

de la compagnie entre deux genres constitue ainsi un enjeu de<br />

négociation avec les établissements culturels pour les partenariats de<br />

production et de diffusion.<br />

“ Pour nous, on est vraiment dans de la danse, et quand on prétend à des<br />

aides, des accueils studios c’est de la danse, et souvent on met cirque en<br />

face et ce n’est pas le cas. Oui, parfois il faut réajuster un petit peu mais<br />

ce n’est pas forcément problématique. Ça ne nous empêche pas de faire<br />

notre route et d’avoir une reconnaissance dans le milieu de la danse. ”<br />

(Administratrice, compagnie 2)<br />

Le trouble d’identification disciplinaire est compensé par l’intérêt<br />

esthétique porté pour le travail de ces chorégraphes, d’autant plus qu’une<br />

logique de programmation mise en avant dans les entretiens tend à privilégier<br />

l’appréciation des œuvres sans se référer aux catégorisations<br />

artistiques. L’entre-deux artistique peut ainsi servir à la construction d’un<br />

positionnement esthétique original, apprécié lors du début de carrière<br />

de la compagnie, et être vécu par la suite comme un obstacle durable à<br />

l’élargissement des réseaux de production et de diffusion.<br />

“ On a une reconnaissance institutionnelle totale et, malgré tout, on<br />

pêche dans les partenariats en production et diffusion : il y a une<br />

sorte d’inadaptation du projet de la compagnie aux programmes<br />

des uns et des autres. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 9)<br />

La séparation de chorégraphes ayant formé un duo reconnu crée<br />

un flottement dans l’identification des nouvelles compagnies qu’ils ou<br />

elles ont créées et leur accompagnement par des programmateurs et<br />

programmatrices, qui peuvent se placer majoritairement en position<br />

d’attente. Le travail relationnel à mener pour convaincre des directions<br />

de structures de s’engager dans le soutien des projets de spectacles est<br />

ainsi sensiblement augmenté dans un premier temps. Il en va de même,<br />

dans une moindre mesure, lors des moments de transition quand des<br />

chorégraphes particulièrement apprécié·es en tant que danseuses ou<br />

danseurs laissent la place à des artistes interprètes dans la distribution<br />

de nouveaux spectacles sans leur présence.<br />

L’appréciation de la pertinence des parti-pris esthétiques dans les<br />

réseaux de structures labellisées s’appuie aussi a priori sur le discours<br />

des chorégraphes pour situer le sens de leur travail. L’attente tacite de<br />

références philosophiques ou à l’histoire de la danse peut décontenancer<br />

certaines équipes à la démarche plus pragmatique.<br />

“ Même pour le tout jeune public, là on est en création d’un projet sur<br />

l’enfant et le jeu. On a tous, gamin, eu l’idée de prendre des cartons<br />

et de jouer avec ; ça devient ceci, cela, et ça laisse juste la place à<br />

l’imaginaire. Donc on part juste de ça, et première question : qu’est-ce<br />

que tu veux dire vraiment là-dedans ? Qu’est-ce que tu veux chercher<br />

comme sens, le propos ? Mais ce que je viens de dire ce n’est pas<br />

suffisant ? C’est toujours comme s’il faut, pour être reconnu, avoir<br />

une espèce d’intellect pas possible autour des envies. Pourquoi il faut<br />

toujours lier ça avec un propos intellectuel qu’il faut aller triturer ? ”<br />

(Codirectrice, compagnie 1)<br />

Le problème se pose aussi pour des compagnies confirmées de<br />

longue date quand l’esthétique du chorégraphe s’appuie sur une<br />

démarche plus instinctive que théorique et est perçue comme datée<br />

par de nouvelles directions de lieux. L'effort d'adaptation est d'autant<br />

plus grand que le resserrement de la contrainte budgétaire des structures<br />

a réduit leur propension à consentir à des prix de cession élevés.

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