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LA MISE EN RELATION AVEC LES PUBLICS<br />

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supérieures et des moyens pour améliorer leur visibilité professionnelle<br />

sur les scènes. De plus, les rapports de projection-identification<br />

des membres des catégories sociales populaires lors des spectacles<br />

sont-ils plus facilement stimulés par des équipes plus mixtes dans leur<br />

composition sociale et culturelle ?<br />

Des constats sur le parallélisme entre la composition socio-ethnique<br />

des compagnies programmées et celle de la salle ont été effectués,<br />

notamment en ce qui concerne la programmation du hip-hop :<br />

“Après la mixité, on l’a créée plus quand il y a des personnes sur<br />

scène qui représentent aussi cette diversité. D’ailleurs la plus grande<br />

mixité généralement dans la salle, on la trouve quand on a fait par<br />

exemple le concert avec X et Y, un musicien congolais ; je crois que<br />

c’était le public le plus mixte que j’ai vu. Après en danse ça dépend,<br />

quand il y a des choses qui sont empruntées aux cultures urbaines… ;<br />

il y a plus de jeunes, plus de diversité dans la salle.”<br />

(Responsable des relations publiques, structure dédiée 6)<br />

D’autres positionnements se montrent plus prudents sur les<br />

risques d’une segmentation communautaire d’une offre artistique<br />

qui serait ajustée aux attentes supposées de groupes sociaux dominés<br />

en privilégiant la recherche de la pertinence des propositions<br />

dans le contexte territorial.<br />

“ Sur la question de la diversité, on est vigilant qu’il y ait une diversité<br />

dans la salle mais aussi une diversité au plateau. Mais on ne se<br />

méprend pas sur la diversité au plateau. Programmer du hip-hop,<br />

c’est une réalité stigmatisée ; programmer X, c’est une écriture du<br />

monde. La diversité, c’est programmer du droit commun porté par<br />

des noirs, des arabes, etc.”<br />

(Directeur, structure pluridisciplinaire 18)<br />

Programmer des œuvres chorégraphiques de référence nationale<br />

ou internationale en complément de pratiques artistiques locales<br />

fait sens dans une mission de service public culturel.<br />

Dans un climat politique marqué par la perception d’une<br />

recrudescence des tensions interculturelles, en lien notamment<br />

avec l’accentuation des inégalités socio-économiques, le positionnement<br />

artistique des structures est exposé à des situations<br />

parfois plus délicates pour la liberté de programmation. La nudité<br />

des corps dans un spectacle de danse semble devenue un tabou<br />

culturel plus prégnant, notamment pour les représentations adressées<br />

à l’enfance et la jeunesse ou organisées en dehors des murs.<br />

Les émotions négatives soulevées par la vision de la nudité, même<br />

si elle est très brève, pour des personnes sensibles à la pudeur par<br />

leurs valeurs culturelles peuvent avoir des effets contre-productifs<br />

pour la conduite d’un projet artistique. Le risque est de bloquer<br />

une partie des spectateurs et spectatrices sur des a priori négatifs<br />

si des séquences dansées sont seulement perçues sous l’angle de<br />

la provocation.<br />

“ La nudité à l’extérieur, ce n’est pas possible ne serait-ce qu’une<br />

seconde. Il faut avoir conscience de la place du rapport au corps par<br />

le fait religieux qui n’est pas que le fait de l’islam ; les évangélistes<br />

sont très présents et on trouve le même phénomène. La transgression<br />

d’un certain nombre de tabous, il faut l’aborder de manière un peu<br />

fine. Je pense que l’on a besoin de faire un peu creuset commun dans<br />

ce pays. Dans la salle, on y est attentif aussi. C’est trop dégradé. ”<br />

(Directeur, structure pluridisciplinaire 18)<br />

La question est d’autant plus paradoxale que l’exposition de la<br />

nudité s’est développée dans les médias audiovisuels et les publicités.<br />

Cela incite certaines directions de structures de diffusion<br />

à traiter leurs arbitrages de programmation sans s’autocensurer<br />

vis-à-vis des risques accrus de surinterprétation et à s’impliquer<br />

dans des discussions pédagogiques avec leurs partenaires non<br />

artistiques.<br />

“ La question de la nudité ne nous pose aucun problème mais, à<br />

un moment donné, c’est important de la montrer aujourd’hui<br />

alors qu’avant, il a pu y avoir un effet de mode ; ça ne faisait rien.<br />

Aujourd’hui ça se resserre ; avec le corps performatif, sportif, le bien<br />

être, le culte du corps a changé. Comment montrer la nudité sur scène<br />

alors qu’on en voit partout sur les écrans ? C’est pire qu’il y a 10 ou<br />

15 ans. Si ça a du sens on doit pouvoir le montrer sans se poser la<br />

question de savoir si ça va choquer ou pas. ”<br />

(Directrice déléguée, structure dédiée 9)<br />

Aborder les questions de violence, de sexualité dans les spectacles<br />

chorégraphiques, même de façon indirecte, suscite néanmoins<br />

des appréhensions accrues pour la programmation dans des structures<br />

dépendantes du seul financement municipal.<br />

“ On sent une difficulté pour les programmateurs à convaincre,<br />

surtout quand c’est du jeune public, à convaincre les instituteurs<br />

et les chargés culturels municipaux. On sent qu’il y a quelque chose<br />

qui se tend ; ça s’est accentué après les attentats. Il y a cette peur<br />

des instituteurs de qu’est ce qui va être montré aux enfants et il y a<br />

la peur des élus sur la responsabilité du théâtre municipal d’avoir<br />

programmé ça. Qu’est-ce que ça va renvoyer ? Comment ça va être<br />

interprété ? Est-ce qu’ils ne vont pas se taper un parent d’élève qui<br />

va venir hurler ? Ça s’est vraiment tendu. ”<br />

(Chorégraphe, compagnie 11).<br />

En conclusion de cette section, les structures minorent l’utilité<br />

de la programmation de spectacles grand public comme un<br />

moyen de développement des publics en préférant les relations<br />

de partenariat et les rencontres des publics avec les artistes. Dans<br />

un contexte où la part du public de la danse dans la population<br />

française est restée stable à un niveau assez bas mais s’est rajeunie,<br />

les préjugés contre la danse contemporaine constituent un<br />

obstacle à l’élargissement de la circulation de ces spectacles. Les<br />

structures de diffusion sont incitées à prêter plus d’attention à la<br />

diversité des grilles de références culturelles et sont confrontées<br />

à un renforcement de tabous sociaux.<br />

2. Les observations sur la fréquentation<br />

des spectacles de danse<br />

En réponse au questionnaire, 87 structures ont renseigné la fréquentation<br />

payante et gratuite des spectacles de danse qu’elles ont<br />

programmés ainsi que de l’ensemble de la saison pour les structures<br />

pluridisciplinaires. Ces premiers éclairages, à mettre en perspective<br />

avec la taille limitée de l’échantillon de réponses détaillées, peuvent<br />

être complétés par une analyse de l’évolution des spectacles programmés<br />

par les structures selon l’évolution du nombre de leurs<br />

représentations.

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