L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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VERS L'INDÉPENDANCE<br />
ques", fut voté le 12 juin 1840, aux Communes anglaises, par<br />
156 voix contre six, et à la Chambre haute par 107 voix<br />
contre 10. Le 10 février 1841, anniversaire de la suspension<br />
de notre constitution, anniversaire aussi du traité de Paris qui<br />
nous arrachait à la France, — simple coïncidence, sans doute<br />
— la nouvelle constitution entrait en vigueur.<br />
Voilà bien la direction tragique qu'aurait pu prendre<br />
notre histoire, il y a cent ans. Cette direction, si elle ne l'a<br />
prise, à qui en revient le mérite ? Une certaine école historique<br />
et quelques politiciens nous invitent à tout pardonner et<br />
à tirer sur ce passé le voile pudique de l'oubli, pour ne nous<br />
souvenir que de la métropole généreuse qui nous aurait fait<br />
le don de la liberté. Certes, un peuple chrétien peut et doit<br />
tout pardonner, même les crimes politiques ourdis contre<br />
sa vie. Faut-il oublier jusqu'à ne plus nous rappeler,<br />
même en des jours comme celui-ci, que si un Canada<br />
français existe encore, nous le devons peut-être à nos pères<br />
et à nous-mêmes, avant de le devoir aux autres ?<br />
En cette politique d'union et d'anglicisation faut-il voir<br />
autre chose qu'une creuse utopie ? A ceux qui lui parlaient<br />
de la possibilité d'un retour offensif des Canadiens français<br />
dans le futur Parlement de l'Union, Charles Buller répondait :<br />
"J'en appelle à ceux qui connaissent le caractère du Français<br />
vivant sous un gouvernement arbitraire ; ils diront s'il est un<br />
peuple qui succombe plus paisiblement, lorsqu'il se sent le<br />
parti le plus faible". Le Herald — le Herald de Montréal—,<br />
celui qu'on appelait parfois le "féroce Herald", voyait, dans<br />
nos premières agitations contre la constitution néfaste, un<br />
signe des plus réjouissants. "C'est une preuve nouvelle, s'il en<br />
était besoin, de la conviction [où sont les Canadiens] que,<br />
par cette mesure, leur pouvoir sera écrasé, efficacement et<br />
pour toujours, et qu'elle les courbera jusqu'à terre, comme<br />
des Ilotes". 5<br />
N'en doutons point : tous ces pauvres gens<br />
croyaient tenir un peuple qu'on ne tient jamais. Quand l'é-<br />
5) Cité par le Canadien (2 mars 1840).<br />
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