L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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L'INDÉPENDANCE DU CANADA<br />
chafaud était prêt, ils n'imaginaient guère cette aventure<br />
d'un condamné qui oublierait de se présenter. Unir par quelque<br />
vague lien politique les deux provinces, l'entreprise pouvait<br />
offrir quelque probabilité de succès. Comment unifier<br />
ce qui n'était pas unifiable ? L'assimilation obéit à certaines<br />
lois. Et ces lois supposent d'ordinaire l'absorption du faible<br />
par le fort, et quelque parenté ou quelque affinité entre les<br />
deux. Où discerner les affinités entre une province de foi<br />
catholique, de langue, de culture, de traditions, de droit<br />
français, de tenure seigneuriale, et une autre de foi protestante,<br />
de langue, de culture, de droit anglais et de tenure libre ;<br />
bref, "aussi étrangères l'une à l'autre", notait mélancoliquement<br />
Poulett-Thomson, "que si l'Atlantique les eût séparés".<br />
Où était le fort, où était le faible entre ces deux jeunes Etats<br />
dont l'un comptait moins d'un demi-siècle d'existence, et<br />
dont la population, fruit d'immigrations récentes, population<br />
encore mal tassée, inférieure numériquement à la population<br />
du Bas, nullement supérieure par la culture, portait,<br />
en son sein, le double poison de ses conflits religieux et de ses<br />
querelles politiques ? <strong>La</strong> difficulté de cette assimilation, Poulett-Thomson,<br />
devenu lord Sydenham, la devinait si bien<br />
qu'il la jugeait impossible à moins de courber le Bas-Canada<br />
sous un régime despotique de dix années. 6<br />
Pourtant d'inquiétants symptômes parurent encourager<br />
au premier abord Sydenham, Russell et leur compagnie d'entrepreneurs<br />
de pompes funèbres. Le Canada français — que<br />
ceux-là s'en étonnent qui n'ont pas souffert — connut sa<br />
crise d'abattement. Et je ne pense pas, dans le moment, à ce<br />
conseil de démission nationale, prôné par le triste article du<br />
Canadien du 23 octobre 1839 et dont j'ai parlé ailleurs. Je ne<br />
pense pas, non plus, aux discours et aux gestes d'un groupe<br />
de pacifistes et de pusillanimes qui, d'ordinaire, n'ont d'éner-<br />
6) H.E. Egerton and W.L. Grant, Canadian Constitutional Development<br />
shown by selected speeches and despatches, with introductions and explanatory<br />
notes (Toronto, 1907), 277-78.<br />
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