L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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VERS L'INDÉPENDANCE<br />
la leçon de haut au Chronicle and Gazette de Kingston, qui<br />
ose bien appeler le cabinet Draper un "ministère". Pour la<br />
Gazette, c'est là "la plus ridicule innovation". Un vote de<br />
défiance, de la part du Parlement, ne peut rien, soutient-elle,<br />
contre un cabinet colonial ; d'ailleurs, le système de gouvernement<br />
responsable ruinerait infailliblement toute dépendance<br />
des possessions britanniques à l'égard de la mèrepatrie<br />
13<br />
. Encore une fois, la crise est inévitable. Pendant que<br />
d'un côté l'on considère la responsabilité de l'exécutif aux<br />
Chambres coloniales, comme une nouveauté chimérique et<br />
dangereuse, une sorte d'hérésie politique, de l'autre l'on soutient<br />
que le gouverneur doit être, à l'instar du souverain<br />
d'Angleterre, le personnage qui règne mais ne gouverne plus,<br />
l'homme qui cesse d'être le chef actif de l'Etat. Ni <strong>La</strong>Fontaine,<br />
ni Baldwin, ni Wilmot au Nouveau-Brunswick, ni<br />
Joseph Howe en Nouvelle-Ecosse n'entendent autrement le<br />
"gouvernement responsable". Nulle part néanmoins ce problème<br />
politique ne passionne autant les esprits que dans le<br />
Bas-Canada. Car si ailleurs "gouvernement responsable" veut<br />
dire gouvernement du peuple par le peuple, dans le Bas il<br />
veut dire, en outre, gouvernement d'une province française<br />
par sa population française. Une âme nationale, un avenir<br />
national sont en jeu.<br />
Rendons cette justice à lord Sydenham : d'un esprit<br />
aussi subtil qu'audacieux, il mit tout en œuvre pour dominer<br />
quand même la situation. Par un habile louvoyage entre ce<br />
qu'il appelait "la misérable petite oligarchie" et les "démagogues<br />
factieux", il fit durer, tant bien que mal la longueur<br />
d'une session, son ministère Draper, ministère assez hétérogène.<br />
Il brisa ceux qu'il ne put corrompre ; il corrompit tous<br />
les corruptibles. Comme tous les politiques réalistes, il s'était<br />
persuadé, au surplus, qu'acheter les hommes c'est encore ce<br />
qui coûte le meilleur marché. Grâce à la fascination d'un<br />
million et demi, emprunt garanti par la trésorerie impériale<br />
13) Montreal Gazette (6 septembre 1842) p. 2, col. 1-2.<br />
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