L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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VERS L'INDÉPENDANCE<br />
libéraux du Bas-Canada, une alliance vient de se<br />
nouer. Cette alliance, deux jeunes hommes l'ont négociée<br />
et menée à bonne fin : l'un, député d'Oxford dans<br />
le Haut-Canada, directeur du Toronto Examiner, est<br />
âgé de trente-trois ans. Francis Hinks, né à Cork, d'une famille<br />
de traditions libérales, a donné pour cri de guerre à son<br />
journal : "Responsible government". L'autre négociateur<br />
s'appelle Louis-Hippolyte <strong>La</strong>Fontaine. Lui aussi, en 1840,<br />
n'a que trente-trois ans. De quoi sont faits sa force et son<br />
prestige ? D'une stature au-dessus de la moyenne, de tête et<br />
d'épaules carrées, il est bâti en solidité. De la solidité, il en a<br />
par toute sa personne. Il n'a point l'éloquence pathétique, à<br />
la fois fougueuse et charmeresse de Papineau. Il parle en<br />
avocat, les yeux mi-clos, avec de rares gestes, une dialectique<br />
hautaine, parfois passionnée, où, à force de conviction, il<br />
devient éloquent et beau. Il excelle dans les qualités qui commandent<br />
la confiance et le respect : la droiture, la justesse de<br />
l'esprit, la hauteur de la conscience. Les premiers événements<br />
de sa vie manifestent sa virilité précoce. Il n'a que vingt-trois<br />
ans lorsque les électeurs de Terrebonne l'envoient siéger à<br />
l'Assemblée législative de Québec. Emporté, combatif, entraîné<br />
comme beaucoup de ses compagnons dans les excès démagogiques,<br />
il devient tôt néanmoins le violent qui s'apaise.<br />
Maître de soi alors qu'il n'a pas cessé d'être jeune, il aura le<br />
mérite de rentrer dans l'ordre et la discipline, sans rien sacrifier<br />
de ses convictions ni de sa dignité. <strong>La</strong> même vigueur de<br />
personnalité fera de lui un disciple très vite émancipé. Il juge<br />
de haut les tactiques et les formules de Papineau qu'il estime<br />
trop abstraites, sans assez de prise sur les foules. Aussitôt la<br />
crise politique déclenchée, il assume, par une sorte de conscience<br />
irrésistible de sa force et de sa mission, un rôle de chef.<br />
Ici, au Canada, auprès de Gosford, puis à Londres, il tente<br />
de sauver ce qui pourrait être sauvé de la liberté politique des<br />
siens. De retour au pays, il reçoit la consécration de la prison,<br />
d'où il ose rappeler au dictateur Colborne que, "pour arrêter<br />
le germe d'une rébellion, il faut autre chose que du sang".<br />
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