L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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L'IDÉE D'INDÉPENDANCE<br />
mer la solidarité de leurs groupements politiques. De là ce<br />
sens péjoratif que leur presse ou leurs orateurs s'appliquent<br />
à donner au mot "national". Un seul contrepoids eût pu<br />
neutraliser, au lendemain de 1867, le jeu fatal des idéologies<br />
politiciennes, et c'eût été le contrepoids d'une forte éducation<br />
nationale : éducation qui eût maintenu haut, dans l'esprit<br />
des jeunes générations canadiennes-françaises, les impératifs<br />
de la continuité historique et les valeurs spirituelles de<br />
l'idée de nationalité. En même temps que, pour la structure<br />
économique, sociale, morale, d'une province catholique et<br />
canadienne-française, on eût montre \ la jeunesse la nécessité<br />
d'une politique appropriée, on lui eût révélé le "potentiel"<br />
de sa culture et de sa foi, dans la vie d'un peuple et d'un Etat.<br />
Rien, dès lors, ne pouvait arrêter les Canadiens<br />
français sur la pente d'un aberrant complexe d'infériorité.<br />
Minorité dans un monde anglo-saxon, ils<br />
éprouveront un besoin maladif de se faire pardonner<br />
leur qualité d'étrangers à la race dominante. Plus<br />
que tout autre groupe ethnique au Canada, on les verra faire<br />
bruyamment étalage de leur loyalisme envers l'Angleterre.<br />
<strong>La</strong> loyauté à la couronne anglaise passera, pour eux, au rang<br />
de première vertu civique. Bien mieux : pour donner à cet<br />
état d'esprit un fondement d'apparence rationnelle, ou à<br />
tout le moins, une ombre de justification, les politiciens<br />
canadiens-français, politiciens de tout poil et de toutes couleurs,<br />
se mettront à forger le mythe d'une Angleterre, mère<br />
et patrie de toutes les libertés canadiennes, éducatrice politique<br />
des jeunes nations de l'empire. Le mythe s'exprimera<br />
dans cette formule-cliché aussi simpliste qu'idiote : "<strong>La</strong><br />
France nous a donné la vie ; l'Angleterre, la liberté." Rarement<br />
l'on aura vu un peuple déformer et répudier son histoire<br />
avec une candeur plus désinvolte.<br />
En cette aberration trop générale, que pouvaient devenir<br />
les anciennes aspirations ? Oser rêver ou parler d'indépendance<br />
paraîtra aux Canadiens français témérité doctrinale.<br />
Un peuple jadis si fier, si épris de son émancipation, se<br />
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