L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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L'INDÉPENDANCE DU CANADA<br />
minions sont consultés ; mais le moindre écolier sait, tout<br />
aussi bien que le prince des diplomates, que les décisions prises<br />
à Ottawa sont d'abord prises à Londres et que, quoi qu'il<br />
arrive, la chaloupe canadienne voguera Invariablement dans<br />
le sillage du cuirassé britannique. Autrement dit, nous sommes<br />
libres, puisqu'on nous laisse la liberté d'assumer d'effroyables<br />
responsabilités pour des actes dont nous ne sommes<br />
aucunement responsables ? Qui osera dire, en effet, que le<br />
Canada est responsable, en quoi que ce soit, des événements<br />
et des causes qui ont déclenché la première et la seconde<br />
guerre mondiale ? En revanche, qui peut dire que la Grande-<br />
Bretagne et quelques autres nations qui ont aidé l'Allemagne<br />
à se relever et à s'armer, et qui, au Traité de Versailles ont<br />
refusé à la France de monter la garde sur le Rhin, qui oserait<br />
dire que ces nations peuvent s'en laver aussi facilement les<br />
mains ? Vous avez lu, comme moi, les terribles paroles de<br />
M. Summer Welles, ancien assistant de M. Cordell Hull, à<br />
Washington, lorsqu'il indiquait à quelles conditions, "les<br />
peuples des démocraties pourraient réparer l'aveuglement et<br />
le manque de courage dont ils avaient fait preuve, pendant<br />
ces dernières tragiques décades", alors qu'ils avaient "laissé<br />
le champ libre à l'enfer de haine, de mort et de dévastation<br />
que les puissances de l'Axe ont lâché sur l'espèce humaine". 23<br />
Au moins, me direz-vous, les Dominions sont consultés à<br />
l'heure de la paix ? Oui, quand il n'y a plus que la signature<br />
à donner ; quand les Big Five ou les Big Three — car il n'y<br />
a de Big Five que pour la façade — ont déjà pris les positionsclés,<br />
ont disposé, en somme, du sort du monde. Il paraît assez<br />
manifeste, si je ne m'abuse, que le Canada ne fut invité ni<br />
à Téhéran, ni à Yalta, ni à Potsdam. Nous ne sommes pour<br />
rien dans ces conférences à trois où l'on élabore des règlements<br />
secrets, boîtes de Pandore d'où, aussi bien que la paix,<br />
peuvent sortir les prochains conflits. Au moins, sommesnous<br />
mis au courant de ce qui se passe, me diront d'autres,<br />
23) Jacques Maritain, Messages 1941-1944 (New-York, 1945), 199-200.<br />
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