L'indépendance - La Fondation Lionel-Groulx
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L'INDÉPENDANCE DU CANADA<br />
parler au nom des siens. Dans l'évolution constitutionnelle<br />
alors en voie de s'accomplir, quel statut, quel sort réservait-il<br />
au Bas-Canada, à sa nationalité ? Cartier ne voulait pour rien<br />
au monde, nous le savons, d'un Etat unitaire, ou, comme l'on<br />
disait alors, de l'union législative. <strong>La</strong> nouvelle formation politique<br />
serait une fédération de provinces ou elle ne serait<br />
pas. Cartier a même voulu la résurrection de sa province, la<br />
vieille province française ; il l'a voulue dégagée, séparée du<br />
Haut-Canada ; il l'a voulue Etat libre, souverain, dans son<br />
ancien cadre géographique, politique et national d'avant<br />
1840. Et pourquoi ? Parce que, dans cette pleine autonomie,<br />
l'homme d'Etat canadien-français voyait, pour sa province<br />
et pour sa nationalité, une condition essentielle de vie. Partisan<br />
de Papineau en sa jeunesse, homme de 1837, Cartier<br />
n'ignorait point que, depuis 1760, la conquête et la préservation<br />
de notre autonomie et de notre vie — ce qui est tout<br />
un — s'étaient trouvées au principe de toutes nos luttes et<br />
comme le but suprême de notre histoire. Il y a de ces biens,<br />
ou de ces gains historiques, voyez-vous, biens supra-constitutionnels,<br />
qui ne sauraient faire l'objet d'aucun marchandage<br />
et qu'un peuple qui n'a pas perdu la tête ne sacrifie jamais,<br />
pas même par parcelles.<br />
Voilà déjà pour nous édifier sur ce projet de nationalité<br />
unique dont quelques naïfs se prenaient alors à rêver. En<br />
1867, comme aujourd'hui, l'idée d'une "new nation" agitait<br />
quelques esprits. De quoi rêvaient-ils ? D'une fusion ou d'une<br />
collaboration des races ? Sur ce point précis, Cartier s'est<br />
encore et nettement expliqué. Relisez son discours de 1865.<br />
"Dans l'antiquité", rappelle-t-il, "la naissance des nations<br />
s'opérait par la fusion des groupes ethniques". "Il n'en est<br />
plus ainsi dans les temps modernes", souligne-t-il aussitôt.<br />
"Les nations sont formées maintenant par l'agglomération<br />
de divers peuples rassemblés par les intérêts et les sympathies.<br />
Telle est notre position dans le moment actuel". "Une<br />
objection a été suscitée", continue Cartier, "au projet maintenant<br />
à l'étude, à cause des mots "nouvelle nationalité".<br />
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