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L'exigence d'égalité - Rencontres Internationales de Genève

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L’exigence d’égalité<br />

M. CHAÏM PERELMAN : Ma première remarque concerne le rapport entre<br />

l’égalité sous toutes ses formes et la sélection. Quand on conçoit l’université<br />

comme le centre <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s cadres supérieurs <strong>de</strong> l’Etat, il est <strong>de</strong> l’intérêt<br />

<strong>de</strong> l’Etat que seuls ceux qui paraissent capables <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir plus tard ces cadres<br />

y aient accès. Il ne s’agit donc pas, là, <strong>de</strong> justice, mais bien <strong>de</strong> l’efficacité <strong>de</strong><br />

l’Etat. Mais, dès lors, se pose un problème <strong>de</strong> sélection, car plus on est large à<br />

un certain niveau, plus on est obligé d’ajouter un niveau supplémentaire où la<br />

sélection effective se fera. C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, par exemple, pays où la<br />

démocratisation a été étudiée beaucoup plus tôt qu’en Europe, la durée <strong>de</strong>s<br />

étu<strong>de</strong>s est <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ou trois années plus longue que chez nous. On obtient les<br />

mêmes résultats mais, ayant plus <strong>de</strong> ressources, on allonge les étu<strong>de</strong>s. Peut-<br />

être le niveau général s’est-il un peu amélioré puisqu’il y a, aux Etats-Unis,<br />

autant <strong>de</strong> candidats universitaires que <strong>de</strong> bacheliers en Europe. Mais il reste que<br />

ceci coûte très cher à l’Etat.<br />

Deuxième remarque : j’ai été très frappé par l’idée qu’il y a <strong>de</strong>s parents qui<br />

refusent que leurs enfants aillent à l’université car on trouve là une autre<br />

conception <strong>de</strong> l’égalité ; ces parents ne veulent pas que leurs enfants soient trop<br />

différents d’eux-mêmes. En effet, les enfants qui réussissent dans une gran<strong>de</strong><br />

ville s’écartent <strong>de</strong> leurs parents et la cellule familiale se voit détruite. Et n’y a-t-<br />

il pas <strong>de</strong>s valeurs autres que celles <strong>de</strong> l’individu ou <strong>de</strong> l’Etat qui, elles aussi,<br />

<strong>de</strong>vraient être respectées, voire favorisées dans certains cas ?<br />

Mme FAWZIA ASSAAD : p.194 Je suis égyptienne et appartiens donc à un<br />

pays qui, d’un système d’éducation élitiste est passé à un système<br />

démocratique par décret gouvernemental, ceci en vue <strong>de</strong> l’intérêt général.<br />

Mais il s’est passé alors comme une ruée vers l’or : ruée vers les instituts<br />

d’éducation <strong>de</strong> masse car chacun y voyait une manière <strong>de</strong> monter dans<br />

l’échelle sociale. Le résultat est que l’élitisme a disparu et que le niveau<br />

d’éducation auquel l’on avait droit autrefois, il y a tout juste vingt-cinq à trente<br />

ans, n’existe plus. On compte, par exemple, dans les facultés <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine<br />

6.000 à 7.000 étudiants par année, 1.000 élèves par classe pour un seul<br />

enseignant, ce qui est parfaitement aberrant. Et pour disséquer un cadavre<br />

dans une faculté <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine égyptienne, il faut pouvoir payer <strong>de</strong>s leçons<br />

particulières, ce qui réintroduit une nouvelle forme d’élitisme : l’élitisme <strong>de</strong><br />

l’argent. De même, certains parents n’hésitent pas à envoyer leurs enfants à<br />

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