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L'exigence d'égalité - Rencontres Internationales de Genève

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L’exigence d’égalité<br />

M. RAYMOND POLIN : Je vous remercie M. Sansot. Je crois que nous<br />

pourrions sans peine continuer ce dialogue. En fait, je suis d’accord avec vous<br />

pour marquer la distance entre l’égalité et la liberté, celle-ci étant fondamentale<br />

en l’homme, principielle, ontologique, tandis que l’égalité n’est qu’un moyen <strong>de</strong><br />

la vie en société.<br />

En revanche, lorsque vous évoquez cette capacité <strong>de</strong> l’homme à se<br />

recommencer, à vivre l’aventure, à prendre <strong>de</strong>s risques, à découvrir le nouveau,<br />

je pense qu’alors, en effet, le philosophe politique est quelque peu gêné sans<br />

être toutefois en désaccord. Mais vous évoquez là le domaine <strong>de</strong> la vie privée,<br />

domaine essentiel dont la politique n’a, selon moi, qu’à assurer le respect.<br />

M. CHAÏM PERELMAN : Disposé à considérer, avec mon ami Polin, la notion <strong>de</strong><br />

liberté comme fondamentale, il n’y a toutefois ni morale, ni philosophie<br />

politiques pour l’homme seul. C’est pourquoi le problème est <strong>de</strong> savoir comment<br />

concevoir la coexistence <strong>de</strong>s libertés au sein d’une communauté. Et chacun sait<br />

que cette coexistence a été assurée très différemment au cours <strong>de</strong> l’histoire.<br />

M. Bobbio a raison d’observer qu’au cours <strong>de</strong> l’histoire, il y a eu progrès <strong>de</strong><br />

l’égalité et qu’ainsi, d’une certaine façon, nombre <strong>de</strong> libertés ont pu se<br />

développer, s’épanouir : aujourd’hui l’histoire est écrite par la quasi-majorité<br />

<strong>de</strong>s citoyens d’une communauté ; ce n’est plus l’histoire d’un seul homme ou<br />

d’une oligarchie restreinte.<br />

Evi<strong>de</strong>mment, cette égalité se heurte au problème du pouvoir dans la mesure<br />

où, sans ce <strong>de</strong>rnier, nous serions dans l’anarchie, la coexistence <strong>de</strong>s libertés<br />

n’étant plus du tout assurée. Il suffit <strong>de</strong> voir ce qui se passe aujourd’hui dans un<br />

Etat comme le Liban, pour comprendre que la coexistence <strong>de</strong>s libertés est<br />

quelque chose <strong>de</strong> tout à fait aléatoire.<br />

p.301<br />

Bien entendu, nous voudrions que le pouvoir s’exerce <strong>de</strong> façon telle<br />

que, non seulement les hommes puissent y consentir, mais aussi que l’apport <strong>de</strong><br />

chacun soit plus ou moins égal. Si les femmes ont lutté pendant si longtemps<br />

pour avoir le droit <strong>de</strong> vote, c’est que c’était important. Elles ont cru, et je crois<br />

quelles avaient raison, que dans la mesure où elles n’avaient pas le droit <strong>de</strong><br />

vote, leur point <strong>de</strong> vue n’était pas pris en considération. C’est pourquoi on n’a<br />

pas le droit, même ontologiquement ou métaphysiquement, <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />

l’homme seul ; il n’y a pas <strong>de</strong> philosophie politique <strong>de</strong> l’homme seul.<br />

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