30.06.2013 Views

L'exigence d'égalité - Rencontres Internationales de Genève

L'exigence d'égalité - Rencontres Internationales de Genève

L'exigence d'égalité - Rencontres Internationales de Genève

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

L’exigence d’égalité<br />

M. PIERRE SANSOT : Ce qui me semble le plus important — et il faut à<br />

nouveau le souligner parce que cela n’a pas toujours été entendu — c’est que la<br />

liberté et l’égalité ne sont pas <strong>de</strong> même niveau. S’il existe une liberté et une<br />

égalité morales, ou une liberté et une égalité civiles, il y a, en vérité, une liberté<br />

ontologique mais il n’y a pas d’égalité ontologique. Il faut le redire.<br />

Il y avait véritablement du sublime dans les propos <strong>de</strong> M. Polin évoquant la<br />

liberté comme tremblement <strong>de</strong> l’être, comme effraction <strong>de</strong> l’univers, comme<br />

principe <strong>de</strong> désordre. Comme une sorte <strong>de</strong> dissi<strong>de</strong>nce à l’égard <strong>de</strong>s choses et<br />

<strong>de</strong>s autres. Eventuellement, comme une sorte <strong>de</strong> conflagration assez terrible. En<br />

revanche, l’égalité, je crois, n’est pas aussi fondamentale, aussi élémentaire. Je<br />

ne veux pas dire qu’elle a moins <strong>de</strong> valeur ; je dis qu’elle n’est pas au<br />

fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> ce qui se passe. Elle n’est pas donatrice <strong>de</strong> sens <strong>de</strong> la même<br />

manière. Et, en effet, malgré l’importance qu’elle revêt, il s’agit à chaque fois <strong>de</strong><br />

la situer dans l’histoire <strong>de</strong>s hommes.<br />

p.300<br />

Ceci dit, il me semble que la liberté peut vouloir plus, qu’elle peut se<br />

vouloir au détriment <strong>de</strong>s autres et ainsi aboutir à la domination. Inversement.<br />

elle peut aussi, par un surcroît <strong>de</strong> délicatesse, renoncer à elle-même, se<br />

démettre en voulant la liberté <strong>de</strong>s autres.<br />

On pensera peut-être que cette alternative reste théorique, qu’il y a l’inertie<br />

sociologique, le poids <strong>de</strong> l’histoire. Mais, pour ma part, je crois que l’individu, s’il<br />

est libre, est une sorte <strong>de</strong> recommencement perpétuel. A chaque instant,<br />

l’aventure recommence, à chaque instant nous pouvons déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> l’un ou<br />

l’autre choix, nous pouvons déci<strong>de</strong>r ou <strong>de</strong> la domination, ou <strong>de</strong> l’effacement <strong>de</strong><br />

soi, ou encore, <strong>de</strong> la conjugaison.<br />

Je comprends bien qu’il y a là un parti pris qui peut choquer puisque je<br />

déplace le problème. Mais, durant toutes ces journées d’ailleurs très<br />

enrichissantes, j’ai eu l’impression que l’égalité, ou la liberté, étaient toujours<br />

placées au niveau <strong>de</strong> la société civile. Or le problème peut se poser<br />

existentiellement et personnellement, <strong>de</strong> moi à autrui. Et s’il est vrai que liberté<br />

et égalité sont souvent antagonistes, ne pensez-vous pas, en revanche, que<br />

dans une vie individuelle, et malgré tous les conditionnements historiques, l’on<br />

puisse toujours, je ne dis pas, s’abolir, mais se démettre, se conjuguer ou, au<br />

contraire, vouloir davantage au point <strong>de</strong> menacer autrui ?<br />

384

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!