L’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUE ET FINANCIERCRISE : ACTE II, NOUVELLES SECOUSSESL’année <strong>2011</strong> restera marquée par une série <strong>de</strong> chocs<strong>de</strong> natures diverses : choc <strong>de</strong> la catastrophe naturellejaponaise et <strong>de</strong> ses implications environnementales, chocgéopolitique <strong>de</strong>s révolutions arabes, choc financier dunouvel avatar <strong>de</strong> la crise à multiples facettes en cours<strong>de</strong>puis 2007.Sur le plan économique et financier, la relative accalmie <strong>de</strong>2010 n’aura donc duré qu’un temps. Tumultes financiers etcroissance ralentie ont caractérisé la conjoncture mondialeen <strong>2011</strong>, cependant qu’en France, malgré la confirmationd’un rebond <strong>de</strong> l’activité économique, la situation <strong>de</strong>l’emploi est restée dans l’attente d’une nette amélioration.Cette baisse fragilise les nombreux ménages emprunteurs<strong>de</strong> prêts immobiliers adossés à une garantie hypothécaire(les « subprimes »), dont la mo<strong>de</strong>ste solvabilité n’a pasrésisté à la chute <strong>de</strong> valeur <strong>de</strong> leur collatéral. On pouvait,à ce sta<strong>de</strong>, espérer limiter l’ampleur <strong>de</strong>s pertes qu’une telleconfiguration ne manquerait pas d’entraîner.Mais la situation allait considérablement s’aggraverdu fait que, via la titrisation, ces subprimes allaient êtreincorporés, <strong>de</strong> manière le plus souvent opaque, dans <strong>de</strong>sproduits financiers à la composition extrêmement complexe,puis revendus - à plusieurs reprises - à <strong>de</strong> nombreusesinstitutions financières. Dans l’esprit <strong>de</strong>s concepteurs <strong>de</strong>ce système, c’est la multiplication même <strong>de</strong>s détenteurs <strong>de</strong>telles créances risquées qui <strong>de</strong>vait assurer une très sensibleatténuation <strong>de</strong> ce risque.Au lieu <strong>de</strong> la dilution souhaitée du risque <strong>de</strong> crédit, c’estune généralisation <strong>de</strong> celui-ci qui s’est produite, sans quel’on puisse mesurer avec exactitu<strong>de</strong> le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> toxicité <strong>de</strong>tel ou tel produit en circulation. Dès lors, une mécaniquedéstabilisatrice s’est enclenchée : méfiance <strong>de</strong>s institutionsfinancières les unes vis-à-vis <strong>de</strong>s autres quant au caractèresain <strong>de</strong> leur portefeuille, d’où grippage <strong>de</strong>s marchésinterbancaires, accentué par les premières faillites <strong>de</strong> fondsspéculatifs, défiance qui culmine avec la faillite <strong>de</strong> <strong>Le</strong>hmanBrothers en septembre 2008 et se traduit par le gel <strong>de</strong>smarchés et son impact sur l’économie réelle (asséchement<strong>de</strong>s crédits à l’économie, effondrement <strong>de</strong> l’investisement etdu commerce international), avec la récession qui s’ensuit.Acte II : l’Europe au centre <strong>de</strong> la crise<strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte publiqueFace au délabrement accéléré du système bancaire, àla récession économique et à ses conséquences sociales(forte hausse du chômage), <strong>de</strong>s mesures ont dû être prisesdans l’urgence par les autorités publiques. Ce grandretour <strong>de</strong> l’Etat, quelles que soient les modalités qu’il a pu1TUMULTES FINANCIERSET CROISSANCE RALENTIEUne crise protéiformeSur le plan financier, une seule et même crise, <strong>de</strong> dimensioninternationale, sévit <strong>de</strong>puis cinq ans, mais en revêtantsuccessivement plusieurs aspects. Sur le plan économique,<strong>de</strong>s déséquilibres importants subsistent dans le mon<strong>de</strong>.<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux volets successifs<strong>de</strong> la crise financière-14-12-10-8-6-4Evolution récente <strong>de</strong>s déficits publicsaux Etats-Unis et en zone euro*Etats-UnisZone euroActe I : la crise <strong>de</strong>s subprimes et ses conséquences2006 : les prix <strong>de</strong> l’immobilier américain, après une longuepério<strong>de</strong> d’appréciation, se retournent soudainement àla baisse par excès <strong>de</strong> l’offre sur une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> saturée.-20Moyenne2003/2007* En % du PIB - Sce : FMI.2008 2009 2010 <strong>2011</strong>Rapport ASF – juin 2012 10
evêtir, s’est traduit par une forte contribution <strong>de</strong>s financespubliques. <strong>Le</strong>s déficits budgétaires <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s paysdéveloppés se sont considérablement accrus et leur <strong>de</strong>ttea explosé.Au regard <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte publique, les situationsdivergent entre pays émergents et pays développés, etau sein <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers, entre plusieurs profils. Si l’onconsidère la pério<strong>de</strong> 2007/<strong>2011</strong>, cinq groupes peuventêtre distingués (1) :• Pour trois pays dits « périphériques » <strong>de</strong> la zone euro(Irlan<strong>de</strong>, Grèce, Portugal), une forte augmentation du poids<strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte (exprimée en points <strong>de</strong> PIB, elle est compriseentre 84 et 31 points), s’accompagne d’un haut niveaud’en<strong>de</strong>ttement public (la <strong>de</strong>tte représente en <strong>2011</strong> <strong>de</strong>106% à 166% du PIB) et d’une forte récession (l’évolutioncumulée du PIB sur la pério<strong>de</strong> va <strong>de</strong> –12,2% à –3,4%).• Deux autres pays <strong>de</strong> la zone euro présentent <strong>de</strong>scaractéristiques particulières : moindre augmentation dupoids <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte pour l’Italie (17 points) mais haut niveau<strong>de</strong> celle-ci (121%) et forte contraction du PIB (–4,8%) ; àl’inverse, forte hausse <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte espagnole (31 points)mais pour un niveau plus mo<strong>de</strong>ste (67%) et une récessionmoindre (–2,4%).• Pour l’Allemagne et la France, l’accentuation du poids<strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte est comprise entre 18 et 23 points, le niveaud’en<strong>de</strong>ttement est quasiment i<strong>de</strong>ntique (respectivement83% et 87% du PIB) et la forte récession <strong>de</strong> 2009 est toutjuste compensée pour la France (+0,2%), plus nettementoutre-Rhin (+2,2%).• C’est une forte hausse <strong>de</strong> l’en<strong>de</strong>ttement que l’on enregistreaux Etats-Unis et au Royaume-Uni (près <strong>de</strong> 40 points) pourun niveau d’en<strong>de</strong>ttement américain plus marqué (100%Evolution <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte publique (en points <strong>de</strong> PIB)sur la pério<strong>de</strong> 2007/<strong>2011</strong>Irlan<strong>de</strong> (109)Grèce (166)Portugal (106)Etats-Unis (100)Royaume-Uni (81)37,837,736,860,184,3du PIB contre 81%) et une croissance également mieuxmaintenue <strong>de</strong> l’autre côté <strong>de</strong> l’Atlantique (+0,9% contre unrecul cumulé <strong>de</strong> –2,6% à Londres).• On notera enfin le cas particulier <strong>de</strong>s trois plus importantspays émergents : faible hausse <strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte en Chine(+7 points), maintien en niveau au Brésil (–0,2 point) etdésen<strong>de</strong>ttement en In<strong>de</strong> (–10 points), pour <strong>de</strong>s niveauxd’en<strong>de</strong>ttement contenus (entre 27% et 65% du PIB), etdans une phase où la croissance économique n’a pas failli(<strong>de</strong> +17% au Brésil à +45% en Chine).Dans cet environnement global, les marchés ont marquétrès nettement leur scepticisme quant à l’aptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>certains pays à stabiliser leur <strong>de</strong>tte publique. D’abordlimitées à certains pays <strong>de</strong> la périphérie <strong>de</strong> la zone euro,ces craintes se sont, au fil du temps, étendues à d’autresEtats, européens comme non-européens, et ont nourril’inquiétu<strong>de</strong>, s’agissant <strong>de</strong> la solvabilité <strong>de</strong>s banquesdétentrices <strong>de</strong>s titres <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ttes souveraines.Dans la zone euro, les craintes <strong>de</strong> pertes dans le secteurbancaire et les doutes liés à la viabilité <strong>de</strong>s financespubliques ont creusé les écarts <strong>de</strong> taux souverains <strong>de</strong>beaucoup <strong>de</strong> pays <strong>de</strong> la zone, à <strong>de</strong>s niveaux jamais vus<strong>de</strong>puis la création <strong>de</strong> l’UEM (2).Offrant <strong>de</strong>s ren<strong>de</strong>ments réguliers et - normalement - lagarantie <strong>de</strong> récupération du capital prêté, les empruntsd’Etat étaient un gage <strong>de</strong> stabilité financière et lesinvestisseurs institutionnels n’établissaient aucune différence272421181512963Taux d’intérêt à 10 ans sur les empunts d’Etat*GrècePortugalIrlan<strong>de</strong>0janv 07 janv 08 janv 09 janv 10 janv 11 janv 12* % l'an - Sce : BCE.EspagneAllemagneL’ENVIRONNEMENT ÉCONOMIQUEET FINANCIEREspagne (67)31,3France (87)22,6Allemagne (83)17,6Italie (121)17,4Chine (27)7,3Brésil (65) -0,2In<strong>de</strong> (62) -10,3* Entre parenthèses, taux d'en<strong>de</strong>ttement public en <strong>2011</strong> (% du PIB). Sce : FMI.(1) On laisse <strong>de</strong> côté le cas particulier du Japon où la forte poussée<strong>de</strong> la <strong>de</strong>tte est directement liée aux dépenses occasionnées par lescatastrophes naturelles du printemps, comme on le verra plus loin.(2) On notera à ce propos qu’au regard <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s tauxsouverains, on retrouve, pour certains pays, une configurationd’ensemble proche <strong>de</strong> celle qui précédait l’existence <strong>de</strong> l’euro. Ainsi,on constate pour l’Espagne, la Grèce et l’Italie <strong>de</strong>s écarts <strong>de</strong> taux àdix ans avec l’Allemagne proches <strong>de</strong> ceux existants dans les annéesprécédant la phase <strong>de</strong> convergence préparant l’entrée en vigueur <strong>de</strong>la monnaie unique. Pour la Grèce, cet écart était en moyenne <strong>de</strong> près<strong>de</strong> 1 400 points <strong>de</strong> base (pdb) en 1993/1995 et il est <strong>de</strong> 1 540 pdben <strong>2011</strong>. Pour les mêmes pério<strong>de</strong>s, les chiffres sont respectivement <strong>de</strong>375 et 300 pour l’Espagne et <strong>de</strong> 450 et 310 pour l’Italie.11Rapport ASF – juin 2012