La Femme De Papier

être… »
Là commence un dialogue des plus surréalistes, qui me
fait regretter vraiment de ne pouvoir ni rire, ni
m’indigner la bouche pleine. Elle : « Vous savez, cette
année, la tendance est au court ! » Toi :
« Personnellement, je préfère quand c’est plus long ! Plus
long et plus ajusté ! » Elle : « Oui, il faut que ça moule ;
cette saison, c’est le sexy qui revient. » Toi : « Oui, et ça,
c’est trop court et pas assez sexy ! » Là, je te fusille du
regard, mais tu t’amuses trop ; il y a dans tes yeux un
pétillement de malice qui finit par m’attendrir. Je
m’applique terriblement pour être le plus efficace possible
dans le délai le plus court possible ; mais on dirait que tu
te débrouilles exprès pour résister et faire durer la farce.
Au bout de quelques minutes, la vendeuse, intriguée
peut-être par notre silence, revient à la charge : « Vous
avez quel modèle ? — Quelque chose d’ample », répondstu
sans la moindre trace de modestie. Elle : « Noir ? »
Toi : « Non, chair ! » Elle, vaguement songeuse : « Je ne
vois pas… » Toi, tout bas : « Ça vaut mieux ! »
Je commence à m’angoisser vraiment ; si elle s’amène,
nous sommes cuits ! Je renonce, je te lâche, j’ai trop
peur… Mais tu ne l’entends pas de cette oreille. Ton grand
corps devant le rideau me barre la route, tu m’interdis la
fuite, et même tu m’obliges à me retourner, tu me plies
malgré moi qui combats de toutes mes pauvres forces, tu
me cherches et tu m’enfiles soudain, d’un coup de plantoir
si vif que j’ai failli crier.
Tu expliques à haute voix, à l’adresse de l’employée :
« On essaye autre chose, on peut ? — Mais je vous en