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<strong>De</strong>puis qu’il n’est plus obnubilé par cet appareil forcené, il<br />
est devenu très intelligent. Il fait mine de venir rôder au<br />
comptoir, plonge une main dans sa poche, compte de la<br />
monnaie, me laissant, si j’en ai l’envie, l’occasion de<br />
l’interpeller.<br />
Je ne suis pas trop bête non plus. « Vous buvez<br />
quelque chose ? » Volte-face. Geste de la main vers sa<br />
poitrine, yeux écarquillés pour demander : « Qui ça,<br />
moi ? » Et comme je hoche la tête, avare de mots à mon<br />
tour, il annonce sans façon « Un Coca ! », et vient s’asseoir<br />
en face de moi, non sans avoir adressé aux copains restés<br />
là-bas un bref regard de connivence, style : « Vous aviez<br />
raison, c’était bien à moi qu’elle en voulait ! »<br />
Installe-toi, petit marlou, et cramponne-toi. Je vais te<br />
montrer que votre mot d’ordre « Touche pas à mon<br />
pote » est une hérésie complète. Car, si tu veux bien vivre<br />
avec moi l’aventure jusqu’au bout, je vais te toucher, te<br />
toucher partout ! Tu me parais éminemment touchable.<br />
J’ai recensé, pendant que tu t’approchais, ton Coca à la<br />
main, tous tes trésors : des jambes très droites, longues,<br />
élégantes, des hanches étroites, une braguette<br />
prometteuse, de jolis bras d’homme jeune mais déjà<br />
vigoureux, un cou appétissant…<br />
Maintenant tu es tout près de moi, tu lèves ton verre<br />
comme pour dire : « Merci, à votre santé !… » Tes grands<br />
cils bruns ombragent et dévoilent tour à tour des<br />
prunelles de jais, et viennent caresser tes joues mates<br />
lorsque tu baisses les paupières. As-tu de la barbe ? Pas<br />
que je voie. Ta bouche, qui s’entrouvre pour boire, a<br />
quelque chose d’un beau fruit pulpeux, et j’entends avec