La Femme De Papier

les pulsations de mon ventre. Ça pompait ferme, làdedans,
et je n’y pouvais rien. Je me faisais l’effet d’être
une sorte de boa en train d’avaler, d’une monstrueuse
double gueule, une proie bifide, volumineuse, vibrante… Il
ne fallait pas que j’imagine trop ce qui se passait entre
mes cuisses, entre mes fesses, car j’aurais vite perdu la
maîtrise de mon corps… Il ne fallait pas que je pense à vos
queues, bien au chaud, bien gainées, étroitement baguées
par mes muqueuses les plus secrètes. Il ne fallait pas que
je me les représente, impérieuses, gorgées de sève,
gluantes, baveuses, étranglées dans ma chair battante. Je
résistais, je résistais très fort au plaisir qui m’irradiait, qui
me dilatait, qui m’éclatait…
C’est toi qui m’as dit : « Caresse-toi ! », comme tu
aurais dit : « Dépêche-toi de jouir, ce n’est plus
tenable ! », et j’ai refusé d’obtempérer, sachant que mon
doigt sûr, s’il se posait une seconde sur mon clitoris,
embraserait la poudrière à l’instant même.
Vous m’avez alors cherchée vous-mêmes, et c’était
diabolique de me sentir prise, pincée, palpée, tiraillée
partout à la fois. Vous avez composé sur moi une partition
à quatre mains, jouant de mes seins, de mes hanches, de
mes fesses et de mon sexe avec un brio de virtuoses. Et
sur cette symphonie infernale et envoûtante, vous avez
inventé des paroles magiques, des incantations qui
m’hypnotisaient et m’ôtaient toute volonté. Il vous était
difficile de bouger ensemble sans risquer de rompre notre
fragile équilibre. Mais vos paroles seules me
transportaient plus efficacement que si vous aviez pu me
brosser tous les deux à votre gré.