La Femme De Papier

for intérieur, mon ahurissement. Je consacre toute ma
volonté à paraître de marbre, et à vider mon regard de
toute expression. S’il me scrute de trop près, il verra
passer des points d’interrogation gros comme des maisons
au fond de mes prunelles…
Mais il ne me scrute pas, il s’occupe présentement
d’ouvrir sa valise. Il en sort tout un appareillage d’allure
orthopédique, que mon manque de sens technique ne me
permet pas d’identifier tout d’abord. Et puis, à le voir se
diriger avec ses tubes métalliques, ses pinces et ses
lanières vers la grande table de verre fumé qui occupe un
coin du salon, la mémoire me revient : des étriers ! Ce
sont des étriers qu’il se met à monter tranquillement de
part et d’autre du plateau de verre, le transformant ainsi
en table gynécologique !…
J’espère de tout mon cœur que, de ton encoignure
secrète, tu vois tout et tu entends tout. J’en rigolerais si je
n’étais pas sidérée ! Tu arranges un coup pour voir ta
bonne femme se faire bourrer, pour lorgner toutes les
salaceries que pourrait lui faire un client plein aux as et
qui ne lésine pas sur la qualité des prestations fournies, et
te voilà dans les coulisses d’une maternité ! C’est trop
drôle ! C’est bien fait pour toi ! Tu m’imaginais déjà en
guêpière, ou en slip de cuir, avec des lanières partout, ou
bien, pourquoi pas ? verrouillée d’une terrible ceinture de
chasteté, écartelée par des chaînes, masquée, gantée,
caoutchoutée… Eh bien, regarde de quoi j’ai l’air : je viens
d’enfiler la blouse blanche qu’il m’a tendue, et il n’a même
pas exigé que je me déshabille en dessous ! C’est moi qui,
tout naturellement et pour être plus à l’aise, ai quitté ma