La Femme De Papier

que je ne saurais continuer longtemps avec un homme
qui, dès le premier soir, assurait sa mainmise sur ma
pudeur et ma fierté… Tu vois comme on se trompe, et tu
comprends pourquoi, beaucoup plus tard, avec ce garçon
très tendre et très délicat, j’ai eu l’impression de te
renverser, d’abolir en une seule seconde des lustres d’un
règne abusif…
Contre moi, il se faisait plus chaud, plus pressant,
comme si ma faiblesse avouée lui redonnait du courage. Il
plaisanta même : « Je vais aller fermer, parce que bientôt,
je ne pourrai plus du tout ! », et c’était vrai, je sentais qu’il
célébrait, à sa manière, le soulèvement auquel je l’avais
convié.
J’entrepris de me déshabiller. Sous son regard
indulgent dépourvu d’insistance mais non d’intérêt, il me
fut facile de laisser tomber mon pantalon, mon pull. Je
gardai mon soutien-gorge au poing quelques instants,
comme une bannière, enfin je rejoignis à corps perdu le
rang des sans-culottes, décidée à l’insurrection la plus
fervente de l’histoire.
Il se défit aussi de ses vêtements, et je vis apparaître
son corps, brun au-delà du pensable, plutôt petit et trapu,
bien fait, avec des muscles ronds, un poil abondant de
bête bien portante, et des coins tendres, émouvants dans
leur grâce, l’attache du cou, de l’épaule, de la cuisse… Il
avait un air chinois, aux lenteurs impassibles, et ses
prunelles dorées, à la pupille exagérément dilatée,
brillaient dans le crépuscule artificiel des persiennes
tirées.
J’ai touché ses cheveux, très fins, très souples et si