La Femme De Papier

poussait ? J’ai vu luire dans tes yeux un éclair méchant, et
nous avons pensé tous deux au même instant à ce
marquis génial et détraqué, divin et satanique, qui
marqua la littérature de son imagination sauvage,
raffinée, de ses fantasmes hallucinés…
J’aurais pu, si je l’avais vraiment voulu, fuir et me
refuser à tes exigences, mais une curiosité perverse me
retint sur la table, ainsi qu’un bizarre désir : je voulais
savoir jusqu’où tu pouvais aller, et moi avec, jusqu’où
pouvait aller l’amour du bourreau pour sa victime, et de la
victime pour son bourreau, je voulais triompher avec toi
de la banalité et du tabou ensemble, je voulais t’offrir ma
résignation comme un joyau hors du commun, et me
damner avec toi plutôt que renoncer… Je voulais devenir
ta créature, je voulais devenir ta Justine…
Tu t’emparas de tous les stylos et de tous les crayons
qui traînaient sur le bureau. Tu écrivis, avec, un drôle de
livre, sans mot pourtant et sans phrase, un curieux roman
aux accents sulfureux. Tu te fis le poète de la douleur,
l’écrivain d’un amour torturé, bafoué, consentant et
radieux. Moi, je fus à la fois ton héroïne et le parchemin
sur lequel tu gravais son histoire, et l’encrier où tu
trempas ta plume barbare.
« Femme de papier, je vais te baiser à coups de
crayon !… » Ta menace ne m’apprenait rien que je
n’eusse déjà compris, et j’essayais en vain de me fermer à
ta pénétration sadique. Mais j’avais trop mouillé, je t’avais
trop désiré pour devenir tout à coup hermétique…
Tu envahissais déjà mon con sans douceur, et je
n’avais pas vu combien d’objets composaient la botte que