La Femme De Papier

Oh ! Ce qu’il dit ! Ce qu’il dit ! Nous nagions en pleine
folie, toi qui racontais tes états d’âme, et moi qui buvais
tes paroles avec délectation… N’est-ce pas que cela
devenait sordide ?
Bien sûr, les animaux raisonnables qui s’agitaient en
nous ont bientôt repris le dessus. Et nous avons sagement
recommencé à nous toucher, à nous embrasser, à nous
caresser. Mais le cœur n’y était plus. Comprendre qu’il y
était trop. Je me suis donnée à toi avec fougue, avec
passion, avec égarement. Tu m’as demandé les gestes les
plus tendres, les redditions les plus ardentes, tu les as
exigés et commentés avec d’autres mots que ceux de ta
confession précédente, mais même ces mots-là, cochons,
truculents, convenables enfin, me faisaient fondre de
gratitude, car c’était peut-être la première fois que tu
m’offrais tant de phrases, tant d’éloquence, et le
vocabulaire que tu employais tout à coup me rendait
hommage en se rappelant mes mots à moi (j’allais dire
mes propres mots, les adjectifs ont de ces fantaisies !),
ceux que je t’avais parfois murmurés ou hurlés, et que tu
avais gardés en toi, et que tu me restituais à présent,
transformés, métamorphosés par ta voix d’homme
amoureux.
Tu m’as prise souvent et partout, partout à la fois. Tu
t’es débrouillé pour ne rien laisser en moi qui ne fût
comblé de ta chair, et je consentais avec affolement à
toutes tes invasions, je les encourageais, je les exaltais. Tu
as franchi ma porte étroite avec une aisance qui t’a
surpris. Tu m’as chuchoté : « Tu n’as jamais été aussi
accueillante, », et c’était vrai, je me sentais profonde,