La Femme De Papier

et, sans rien dire, je te répondis d’un geste qui eût pu
passer pour obscène, mais en étions-nous à cela près, vu
la tournure que prenaient les choses ? Tu notas donc sur
le majeur de ma main droite, toujours du côté interne :
« Doigt du clito », et, par déduction, tu définis sans peine
certains autres doigts de ma main gauche, d’une manière
que je trouvai un peu crue (mais le moyen de t’empêcher
lorsque tu as une idée en tête ?), « Doigt du con » et
« Doigt du cul »… La fantaisie ne me déplaisait pas et ce
crayon commençait à prendre sur moi un drôle de
pouvoir. Je n’avais encore rien vu !…
Lorsque tu te posas sur mes seins, je tressaillis
légèrement. Déjà, tu crayonnais, entourant chacun des
deux globes de cercles concentriques en pattes de
mouche, qui allaient s’amenuisant vers le mamelon. Tu
énonças : « Seins : rondeurs jumelles de volume et de
consistance variables, avant-scène du théâtre des
opérations amoureuses. » Le contact était à la fois
émoustillant et douloureux, parce que tu comprimais,
d’une main gauche très ferme, la base de ma poitrine,
pour pouvoir écrire, de la droite, sur une chair moins
mobile et moins élastique. Tu ramassais entre tes doigts
puissants la masse du sein, et tu y gribouillais, d’une
plume appuyée, un peu complaisamment cruelle.
J’hésitais encore entre la souffrance et le plaisir, quand
tu descendis sur mon ventre que tu couvris de graffiti
assez délirants : « Ventre : dernière halte avant le con,
suivre les flèches », et tu dessinas à grands traits noirs
des tas de flèches convergeant vers un seul point, plus
noir encore…