La Femme De Papier

notre trio se dirigea tranquillement vers l’entrée de la
résidence. Je ne touchais à proprement parler pas terre,
accrochée à vous bien plus grands que moi, et vaincue par
la double ivresse de ce que j’avais bu dans la soirée, et
vécu dans la voiture…
Un vaste miroir, au détour d’un couloir, me renvoya
l’image inattendue d’une femme un peu échevelée, un peu
défaite et solidement encadrée par deux gaillards au
regard fort brillant.
Dans l’ascenseur, je retrouvai un instant toutes les
émotions de la nuit, qui m’avait vue collée de près à plus
d’un danseur. J’avais évolué lentement et longtemps
contre des corps d’hommes tous différents, tous
charmants, à la chaleur suggestive, aux gestes
enveloppants, à la cadence érotique. Mon ventre avait
reconnu plusieurs fois la naissance de l’émoi chez mon
partenaire du moment, et s’en était troublé. Et voici que,
dans cette cabine souple et feutrée, le même vertige me
reprenait, mais bien plus voluptueux encore puisque vous
étiez deux à m’étreindre. Tu m’avais prise contre toi,
mais de dos, m’offrant courtoisement à l’autre, qui
accepta l’invite, et se colla contre ma poitrine et mon
ventre avec fermeté. Je vous sentais tous deux tendus,
pressés, vivants et fébriles, vos mains couraient sur moi,
vos bouches aussi, dans mes cheveux, dans mon cou,
partout, et je m’abandonnais à un étonnement délicieux :
celui de me trouver au milieu de vous, celui d’être le
carrefour de vos désirs, et de vous toucher si
parfaitement, si ensemble, si bien avec les deux faces de
ma personne. Je devenais double, j’étais à toi par mon dos